Bacasable2 : Différence entre versions
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Version du 10 août 2020 à 15:09
Sommaire
Ecoute dans le vent...
Préface
En 1795, la France annexe les Pays-Bas Autrichiens et la Principauté de Liège. Napoléon Bonaparte né en 1769, promu général à 23 ans, manifeste très vite sa soif de conquête et donc le besoin d'un effectif important pour pourvoir l'armée.
Ceci n'est pas un conte ou une légende...
Ce sont les authentiques mémoires d'un soldat Ouffetois qui, rattrapé par la conscription, est entraîné bien malgré lui dans de pénibles et dangereuses aventures.
Jeune marié, Henri Joseph BLETARD quitte son épouse et sa fille âgée de quelques mois pour parcourir une partie de l'Europe, il ne reverra les siens que sept longues et interminables années plus tard.
Sur l'absence de son père, la petite ne sait qu'une chose apprise très jeune, sa maman ouvrait parfois le vieux coffre pour lui montrer un portrait de son père, c'est ainsi qu'est née l'histoire de :
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Ferdinand Braquet raconte le parcours militaire de son arrière grand-oncle... laissons lui la parole
Les faits datent de la fin de la République Française, ils m'ont été rapportés par ma grand-mère maternelle, Marie-Antoinette BLETARD, née en ????, une des femmes les plus âgées d'Ouffet décédée à Ouffet le ????.
Henri Joseph BLETARD, grand oncle de ma grand-mère maternelle est le héros de cette histoire.
En grandissant, ce récit devint pour moi une véritable révélation et déclencha chez moi la passion des livres et documents anciens. Tout en fouillant ces vieux papiers, le nom de Henri Joseph BLETARD apparut soudain, preuves à l'appui, cette époque devint donc réalité.
En ce temps là, voici donc notre jeune conscrit obligé de rejoindre son dépôt dans la ville de Huy.
Là, pour sa première campagne, en uniforme, notre héros se fait tirer le portrait par un artiste de rue, portrait qu'il confie à une connaissance rencontrée en ville et qui, rentrant à Ouffet, se charge de remettre le délicat message à l'épouse et l'enfant restés seuls.
De campagnes en campagnes, de pays en pays : Austerlitz 1805 ; Iéna 1806 ; Friedland 1807 ; campagnes d'Espagne 1808-1816 ; Eckmühl 1809 ; - Wagram 1809, les mois puis les années s'écoulent sans espoir de retour pour notre ami Henri Joseph.
Son épouse au village est sans nouvelle de lui, sa fille grandit sans son père. Pourtant le portrait était là, bien enfoui dans le coffre des habits du dimanche. De temps en temps, les années d'absence s'écoulant, la mère sortait le portrait du coffre, lentement, comme on exhume un trésor : Regarde bien disait-elle à sa fille, voilà ton papa.
Et dans l'année 1811 ................... Napoléon est sans pitié pour les militaires ............
A cette époque, vu les années de service, Henri Joseph est devenu ordonnance d'un officier supérieur et n'entend-il pas qu'on parle de nouvelles campagnes, de nouvelles conquêtes sans espoir de retour au foyer : cet immense pays si lointain , si sauvage que l'on nomme Russie et dont Henri Joseph n'a jamais entendu parler.
Un jour son officier le voyant triste, les yeux rougis, lui demande plein de compréhension la cause de son chagrin et Henri d'expliquer la raison de sa tristesse :
Voilà plus de sept ans que je suis parti de chez moi en laissant ma femme et une petite fille au berceau et l'on parle d'une nouvelle campagne dans un pays inconnu. De ma femme et ma fille, je n'ai nulle nouvelle, sont-elles seulement encore en vie ?
Je comprends dit l'officier mais nous sommes en guerre. Je te conseille surtout de ne faire aucune bêtise car tu sais que les déserteurs sont fusillés sur le champ.
L'officier réfléchit quelques instants et lui propose une solution :
Nous allons dit-t-il remonter vers ton pays pour rassembler l'armée pour cette nouvelle campagne. Porte-toi malade quand nous y arriverons. Lorsque tu seras jugé guéri et que tu recevras l'ordre de rejoindre l'armée, arrange-toi pour faire un détour et enfin faire une visite chez les tiens.
Henri Joseph fut effectivement porté malade sans que je puisse toutefois préciser l'endroit où il se trouvait, la grand-mère n'en parle pas dans son récit.
Un beau jour, deux compagnons d'Ouffet, l'un étant sellier l'autre cordonnier, se rendaient à Huy s'approvisionner en cuir pour leur métier. Marchant de concert, arrivés à l'endroit au lieu-dit "Fond de Rouva", ils voient venir une apparition plutôt étrange en ce lieu : c'est un soldat qu'ils reconnaissent bien sûr à son uniforme. Il porte la tenue des soldats de Napoléon, une barbe qui lui mange tout le visage et lui tombe jusqu'au ventre.
En se croisant : Je te souhaite le bonjour se disent-ils comme le voulait la coutume en ce temps. Une fois dépassé et après quelques pas, le premier s'étonne et dit :
Ne trouves-tu pas qu'il ressemble au grand Henri BLETARD ?
Il ne lui ressemble pas mal dit le deuxième, mais avec sa barbe ce n'est pas certain tu sais.
Nous allons bien voir dit le premier des compagnons, il interpelle donc le soldat qui s'arrête immédiatement :
Ne seriez-vous pas Henri BLETARD vous ?
En effet répond celui-ci : Je suis Henri Joseph BLETARD.
Alors les questions se bousculent : Depuis combien d'années êtes-vous parti ? D'où revenez-vous ? Qu'avez-vous vu pendant toutes ces années ?
Et notre Henri BLETARD, tout ému, de poser des questions sur sa famille : Ma femme, Anne ma fille... se portent elles bien ? Quelles sont les nouvelles à Ouffet ? Mille questions passent par la tête de notre Henri.
Ne t'inquiète pas répondent ses compagnons Tout va bien pour elles et ta fille est déjà une grande fille
L'évènement étant de taille et Henri étant le premier soldat à rentrer en bonne santé au village après autant d'années, les deux artisans décident de faire demi-tour et rentrent au village avec Henri pour fêter cet évènement.
Les voici donc tous trois de retour vers Ouffet. En ce temps là, le village commençait Au Tilleul, début de la Rue Mognée actuellement.
La nouvelle du retour se répand comme une trainée de poudre : le grand Henri BLETARD est revenu ! Plusieurs personnes du Hestrumont courent avertir son épouse, ils voulaient éviter à la pauvre femme de se retrouver seule en face de son époux et lui éviter ainsi de trop fortes émotions. Anne, sa petite fille ne se trouvait pas à la maison, sa mère l'avait envoyé faire quelques commissions et elle devait ensuite garder les vaches à la ferme. Une voisine part à sa recherche et pose partout la même question :
Vous n'avez pas vu la petite Anne de chez BLETARD ? Son papa est revenu !
Une dame bien renseignée l'avait aperçue avec les vaches au chemin du Tô, la voisine se dirige donc de ce côté et en effet, la trouve occupée avec d'autres gosses de son âge à regarder paître les bovins. La brave femme tout excitée par la bonne nouvelle qu'elle apporte interpelle donc la gamine :
Ma petite fille, retournez vite à la maison, retournez vite à la maison !
Est-il arrivé quelque chose à ma maman ? demande la petite fille.
Non, non, retournez vite, votre papa est revenu.
Mon papa ?
Oui, retournez vite, tout le monde vous attend, votre papa est revenu.
Mon papa ? Mais quel papa donc moi ? Je n'ai qu'un papa et il est dans le coffre !
Henri Joseph Blétard rejoint son régiment pour la campagne de Russie. A en croire le récit de ma grand-mère et les faits si précis qu'il conte, nul doute qu'il y soit retourné.
Elle me racontait à moi et mes compagnons, enfants de six à sept ans, des exploits terrifiants qui frappaient grandement notre imagination. Comment ne pas croire Henri Joseph en entendant ma grand-mère raconter le froid horrible qui gelait les cavaliers. Pour se protéger du froid quand les chevaux étaient morts d'épuisement, ils éventraient leurs montures, les vidaient et se glissaient à l'intérieur de leur corps pour y passer la nuit et pourtant tant d'entre eux périrent gelés.
Entrant dans un village abandonné pour passer la nuit, ils creusaient un trou profond dans le fumier, se serraient les uns contre les autres dans la puanteur mais dans une relative chaleur. Pourtant, le matin, certains ne se réveillaient pas, ils étaient complètement raidis par le froid.
Henri Joseph BLETARD après tant d'années passées loin des siens, après tant de misères et d'horreur, mais sain et sauf, est rendu à la vie civile et rentre enfin définitivement chez lui.
Pendant de longues années, dans les soirées d'hiver devant la cheminée au feu ouvert, les amis et les voisins venaient se régaler du récit des aventures de notre Henri.
Pour étayer ses récits et se mettre en tête les incroyables difficultés et souffrances que pouvait endurer un soldat en campagne, voici quelques faits et anecdotes glanés de bouche-à-oreille ou lus dans les archives. Il faut comprendre aussi que les récits de Henri Joseph prenaient une telle ampleur qu'à cette époque la seule façon de savoir était d'écouter. En effet, le plus grand nombre d'habitants d'Ouffet, à quelques rares exceptions, ne savaient ni lire ni écrire. Les plus grands déplacements, pour une minorité seulement, étaient : la neuvaine de Notre-Dame de la Sarte, la foire Sainte-Catherine à Huy et la grande foire à Liège. Tous ces déplacements se faisaient bien sûr à pieds. Quelle aubaine donc pour tous ces villageois que de se réunir chez Henri. Pour eux n'était-ce pas la seule façon de connaître certains endroits, certaines coutumes ou rites dont ils n'avaient jamais entendu parler. Pour eux, écouter était aussi parfaire un peu leur culture.
Cent ans ce sont écoulés, je suis père et grand-père et ce récit avait tellement sollicité mon imagination qu'à l'heure actuelle il est toujours bien vivant dans mon esprit. Je me rappelle particulièrement cette histoire très dure à entendre racontée par ma grand-mère :
Lors de la campagne d'Espagne, un jour dans un village, on trouve les corps mutilés et égorgés de soldats du régiment de Henri. Aussitôt l'ordre est donné de cerner le village et de passer au fil de l'épée tout ce qui se trouve de vivant, hommes, femmes, enfants ainsi que les animaux. La fouille de toutes les maisons commence et effectivement tout ce qui est vivant est égorgé. Aucune pitié pour aucun être. Notre Henri se trouve au seuil d'une maison qu'il va investir comme beaucoup d'autres avant. Il entre dans la demeure et trouve un enfant couché dans son berceau d'osier, il lève son sabre quand, le soleil jouant sur la vitre, fait miroiter l'éclat du métal et fait sourire le bébé. Henri n'a pas perdu toute humanité, devant ce sourire, son cœur de père fond et il ne peut se résoudre à supprimer ce petit être. De peur toutefois que d'autres soldats ne le trouve, il retourne le berceau d'osier avec bien entendu le bébé en dessous. Nul ne peut dire, bien sûr, ce qu'il est advenu de cet enfant.
A cet endroit du récit, ma grand-mère véritable conteuse publique, la gorge nouée, essuie d'un revers de la main les larmes qui coulent de ses yeux.
Ces récits tantôt terrifiants tantôt plus plaisants les uns que les autres firent dire au curé de l'époque, l'abbé Jean-Pierre Henneken :
« Blétard, quand tu vivrais encore la vie d'un corbeau et que tu ferais pénitence tous les jours qui te restent à vivre, tu n'aurais pas encore ton pardon ». Il parlait du grand corbeau disparu maintenant de nos contrées et qui, prétendait-on, pouvait vivre cent ans.
Ferdinand nous parle de ses recherches
Il y a quelques années, j'entrepris des recherches sur notre environnement villageois. Après de multiples fouilles dans les archives communales d'Ouffet, les registres paroissiaux de l'église Saint-Médard, les archives de l'état à Huy, au Mémorial de l'Ourthe à Comblain au Pont, je vous livre ici le résultat de mes recherches :
- Ce 18 du mois de novembre 1783, a été baptisé Henri Joseph BLETARD fils légitime de André Antoine BLETARD et de Anne Joseph WILLEM. Ces derniers ............... ?
- Le deuxième jour du mois de pluviôse an XI de la République Française, un samedi, date qui correspond au 22 janvier 1803 de notre calendrier, acte de mariage de Henri Joseph BLETARD, tisserand, âgé de vingt ans, né à Ouffet département de l'Ourthe le 13 novembre 1783 fils de André Antoine BLETARD et de Anne Joseph WILLEM, et de Marie Joseph ELOY âgée de 24 ans née à Ouffet le 28 avril 1878, fille de Nicolas ELOY et Marie Anne DUPAS. Louis RASQUIN premier ???? (inaudible) de l'état civil à Ouffet.
- Le dix neuvième jour du mois de germinal an XI de la République Française, un samedi, date qui correspond au 9 avril 1803 de notre calendrier, naissance de Anne Joseph BLETARD à cinq heures du matin, fille de Henri Joseph BLETARD, tisserand et de Marie Joseph ELOY son épouse.
- 1804, inscrit dans la "réserve de l'entrée" (entrée, entre-aide ???)...
- Note : S'ensuit une bonne douzaine de noms de famille et de prénoms d'hommes, avec leur grade, d'Ouffet et Warzée ayant participés aux différentes campagnes de Napoléon. La qualité de l'enregistrement ne nous permettant pas de les citer avec certitude nous préférons nous abstenir, nous devons encore travailler sur l'amélioration du document enregistré.
- 5 février 1847, à l'âge de 69 ans, décès de Marie Joseph ELOY épouse de Henri Joseph BLETARD.
- Henri Joseph se remarie une seconde fois le 15 janvier 1850 à 11 heures du matin, par devant nous Michel Reginster bourgmestre, officier public de la commune d'Ouffet, sont comparus Henri Joseph BLETARD âgé de 67 ans, né le le 13 novembre 1783 et Joseph Marie BEAUFAYS, ménagère, âgée de 33 ans, domiciliée à Ouffet, née le 15 août 1816.
De cet union, naîtra encore deux filles : Marie Joseph, 14 août 1850 et Marie Honorine, 20 janvier 1858.
- Le 14 février 1863, Henri Joseph rédige son testament chez Maître CRESPIN, notaire à Anthisnes.
- Le 14 janvier 1865, Henri Joseph s'éteint dans sa 82ème année.
Il faut avouer que cet aïeul eut une vie bien remplie, il connut tous les grands évènements de l'époque : il est né sous l'ancien régime, connu la domination autrichienne et la révolution française, militaire pendant plusieurs années sous l'empire de Napoléon 1er, connu la domination hollandaise, reprend du service pour la Belgique indépendante, marie sa fille, nul doute que cet homme ne prit guère de repos.
Pour terminer, quelques renseignements concernant le lieu-dit Hestrumont toujours présent d'ailleurs à notre époque dans le village d'Ouffet. Les parents de notre Henri étaient propriétaires de la maison rue Mognée actuellement N° 15. A son retour au village, sa femme et sa fille résidait dans la petite maison attenant au N° 8 de la rue Hestrumont. A son décès, il était propriétaire des maisons 2 et 4 de la rue Hestrumont.
Quant à son surnom de grand Henri, il devait mesurer environ 1m70. Dans les relevés des conscrits de cette époque, on note que le plus petit a une taille de 1m59 et le plus grand une taille de 1m72. Généralement les hommes de cette époque étaient plus proche d'1m60, la génération actuelle a donc bien grandi.
Revenons sur notre petite Anne, elle se marie le 14 septembre 1822 avec un cousin éloigné : Jean François BLETARD né à Ouffet le 9 septembre 1796, fils de Jean-François BLETARD et Marie Joseph ELOY.
Comme dans tous les contes et histoires, ils eurent beaucoup d'enfants, exactement huit (10 suivant recherches des PdMO) et de nombreux descendants. La dernière descendante actuelle (2020) habite l'Avenue de Vagney.
... A suivre
Addenda
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