Sainte Ode ou Chrodoara : Différence entre versions
m |
m |
||
(2 révisions intermédiaires par le même utilisateur non affichées) | |||
Ligne 1 : | Ligne 1 : | ||
− | + | ||
− | [[Fichier:Sainte Ode d'Amay.JPG.jpg |vignette| | + | [[Fichier:Sainte Ode d'Amay.JPG.jpg |vignette|gauche|Image extraite de religion-orthodoxe.eu.article-sainte-ode-d-amay-634-87060128.html]] |
+ | [[Fichier: Sarcophage de Chrodoara.jpg|vignette|droite|Le sarcophage de Chrodoara ou ste Ode d'Amay. VIIIe siècle-Eglise d'Amay]]. | ||
Ligne 22 : | Ligne 23 : | ||
Les Chrodoïnides forment un groupement familial bien connu, omniprésent, surtout aux VIIe et VIIIe siècles, dans l’espace Rhin-Meuse-Moselle et, particulièrement à Trèves, à Wissembourg et à Tholey (dont les loca sanctorum – noyau de la future abbaye – avaient précisément été fondés par Adalgisel Grimo) ; ils constituent alors un des plus importants groupes rivaux des Pippinides – les futurs Carolingiens. Le rapprochement entre Pippinides et Chrodoïnides se fait progressivement dans la première moitié du VIIIe siècle, | Les Chrodoïnides forment un groupement familial bien connu, omniprésent, surtout aux VIIe et VIIIe siècles, dans l’espace Rhin-Meuse-Moselle et, particulièrement à Trèves, à Wissembourg et à Tholey (dont les loca sanctorum – noyau de la future abbaye – avaient précisément été fondés par Adalgisel Grimo) ; ils constituent alors un des plus importants groupes rivaux des Pippinides – les futurs Carolingiens. Le rapprochement entre Pippinides et Chrodoïnides se fait progressivement dans la première moitié du VIIIe siècle, | ||
− | Ceci démontre qu’ODE n’est certainement pas originaire AQUITAINE. | + | Ceci démontre qu’ODE n’est certainement pas originaire d'AQUITAINE. |
Ligne 74 : | Ligne 75 : | ||
[[Fichier :LE SARCOPHAGE DE CHRODOARA.JPG|vignette|centre|Le sarcophage de Chrodoara découvert en 1977 sous le choeur de l’église d’Amay]] | [[Fichier :LE SARCOPHAGE DE CHRODOARA.JPG|vignette|centre|Le sarcophage de Chrodoara découvert en 1977 sous le choeur de l’église d’Amay]] | ||
+ | |||
+ | -Une première inhumation au VIIe siècle: | ||
+ | |||
+ | Le décor datant du début du VIIe siècle, le corps de Chrodoara n'a pas pu être déposé dans le sarcophage lors de ses funérailles. De plus, le terme de « saint » ou « sainte » n'est jamais donné immédiatement après la mort. | ||
+ | |||
+ | -Un sarcophage datant du '''VIIIe siècle''': | ||
+ | |||
+ | D'après la ''Vie de sainte Ode,'' l'élévation du corps (la reconnaissance formelle de la sainteté de la défunte) a lieu au début des années 730, durant l'épiscopat de Floribert de Liège. Cette célébration liturgique était destinée à mettre en valeur les vertus de ce saint personnage et à susciter une dévotion. | ||
+ | |||
+ | D’autres raisons corroborent aussi cette datation, à savoir : | ||
+ | |||
+ | La grande qualité d’exécution du couvercle conduit à penser que c’est une œuvre à situer fin VIIe - début VIIIe siècle, de par la complexité du décor, la maîtrise de la composition et la sûreté de la taille et de la gravure . | ||
+ | La pratique funéraire de l’inhumation qui n’apparaît qu’à partir de la 2e moitié du VIIe siècle (650), voire début VIIIe siècle (avant incinération). | ||
+ | |||
+ | La graphie et la langue tendent à démontrer que le sarcophage est mérovingien : | ||
+ | |||
+ | La graphie typiquement mérovingienne (comparaison) | ||
+ | Le texte est écrit dans un latin évolué de type mérovingien, qui est une altération du latin classique : nubelis pour nobilis, substancia pour substantia, sanctoaria pour sanctuaria, inclitis pour inclita. | ||
+ | |||
+ | -Un sarcophage-reliquaire: | ||
+ | |||
+ | Le sarcophage-reliquaire a donc sûrement été réalisé pour abriter les reliques de la nouvelle sainte, et destiné à être exposé à la vue des fidèles à l'intérieur de l'église d'Amay, d'où son décor sculpté. En effet, un sarcophage enfoui n’est pas décoré habituellement. L’inscription sur le sarcophage atteste cette thèse. On y lit le terme « sancta » désignant la défunte comme sainte et les caractéristiques essentielles de la vie du personnage, décrite comme noble, riche, puissante, et généreuse envers l’Église. | ||
Ligne 81 : | Ligne 104 : | ||
[[Fichier:La Châsse de sainte Ode à Amay.jpg |vignette|centre|La châsse de ste Ode à Amay]] | [[Fichier:La Châsse de sainte Ode à Amay.jpg |vignette|centre|La châsse de ste Ode à Amay]] | ||
− | Magnifique exemple des différentes techniques d'orfèvrerie mosane du XIIIe siècle. La châsse est constituée d’une âme en chêne revêtue de plaques de cuivre, d’argent, d’émail et de pierreries. | + | Magnifique exemple des différentes techniques d'orfèvrerie mosane du '''XIIIe siècle.''' La châsse est constituée d’une âme en chêne revêtue de plaques de cuivre, d’argent, d’émail et de pierreries. |
Début du VIIIe siècle, Floribert, évêque de Liège, aurait procédé à la translation des reliques dans le sarcophage | Début du VIIIe siècle, Floribert, évêque de Liège, aurait procédé à la translation des reliques dans le sarcophage | ||
− | Vers 1235, les reliques furent transférées dans cette châsse. | + | Vers '''1235,''' les reliques furent transférées dans cette châsse. |
Depuis 2017, la châsse est mise en valeur dans l’ancienne salle capitulaire. | Depuis 2017, la châsse est mise en valeur dans l’ancienne salle capitulaire. |
Version actuelle en date du 13 juillet 2024 à 17:02
Sommaire
SA VIE
Naissance/Origine
I. AQUITAINE ou CAROLINGIENNE?
Selon Alain DIERKENS, on connaît deux Vitae sanctae Odae viduae médiévales : Maurice Coens, qui a étudié la Vita la plus ancienne et qui l’a éditée en 1947 dans les Analecta Bollandiana, n’a eu aucune difficulté à montrer que l’autre Vita, éditée en 1861 in extenso dans les Acta Sanctorum et datée alors du Xe siècle, était un médiocre abrégé, tardif, de la première. …/… Il faut noter que l’hagiographe se révèle assez maladroit dans la réalisation de son récit. Il évoque la parenté d’Ode avec (saint) Hubert et les liens spirituels qui unissent Ode à (saint) Lambert. Il explique aussi qu’Ode est fille d’un roi des Gaules et de la fille d’un duc d’Aquitaine. Mais, plus loin , Ode est dite fille du roi mérovingien Childebert, sœur du roi Dagobert, mère du futur évêque de Metz Arnoul et donc à l’origine de la famille royale carolingienne. Ce qui pose d’insondables problèmes de chronologie à l’historien qui prendrait ces renseignements à la lettre et rend impossible toute reconstitution généalogique. Alain DIERKENS ajoute cependant : Même si les historiens ont évidemment remarqué sans peine que les données chronologiques fournies par la Vita Odae viduae étaient incompatibles entre elles (on ne peut être à la fois sœur du roi Dagobert, mère de saint Arnoul de Metz, disciple de saint Lambert et tante de saint Hubert), il faut attendre les premières décennies du XXe siècle pour que le dossier historique d’Ode s’enrichisse de façon significative, avec l’étude approfondie d’un testament mérovingien qui suggère nettement qu’Ode devait être décédée avant 634; il ne pouvait donc plus être question de contemporanéité d’Ode avec les saints évêques Lambert et Hubert. Le testament, daté de 634, du diacre de Verdun Adalgisel Grimo énumère un grand nombre de donations, notamment à la basilica Saint-Maximin de Trèves et à la basilica Saint-Georges d’Amay où repose sa tante (amita), qui n’est pas nommée dans le testament, mais le contexte est à ce point précis qu’il ne peut s’agir que d’Ode (Chrodoara). Les Chrodoïnides constituent alors un des plus importants groupes rivaux des Pippinides – les futurs Carolingiens…
Le sarcophage d’Ode est découvert en 1977, ses inscriptions viennent lever le doute et certifient que la sainte s’appelle bien CHRODOARA et fait donc partie de la famille des Chrodoïnides.
Les Chrodoïnides forment un groupement familial bien connu, omniprésent, surtout aux VIIe et VIIIe siècles, dans l’espace Rhin-Meuse-Moselle et, particulièrement à Trèves, à Wissembourg et à Tholey (dont les loca sanctorum – noyau de la future abbaye – avaient précisément été fondés par Adalgisel Grimo) ; ils constituent alors un des plus importants groupes rivaux des Pippinides – les futurs Carolingiens. Le rapprochement entre Pippinides et Chrodoïnides se fait progressivement dans la première moitié du VIIIe siècle,
Ceci démontre qu’ODE n’est certainement pas originaire d'AQUITAINE.
II. SUEVE ?
Jusque vers 500, Alamans, établis en Alémanie, et Suèves, venus des rives du Danube, formaient deux peuples distincts. À partir du VIE siècle, les deux noms ont tendance à être utilisés indifféremment. Le nom de Suèves s’est toutefois progressivement imposé pour désigner le territoire sur lequel les Alamans s’étaient installés, lequel devint par la suite le duché de SOUABE. En 561, un partage a lieu, qui attribue le duché d’Alémanie à l’Austrasie, dans la région sud du haut-Rhin et la région du lac de Constance. On cite régulièrement « Chrodoara, noble dame de l'aristocratie austrasienne morte au VIIe siècle ». Dans les tableaux généalogiques : Oda Itta de Souabe de Metz (née de Saxe), 560 - 612 Oda Pippinid, Abbess of Amay (née Schwaben), Environ 555 - 634 Oda “Sankt Ode” de Tongres, Abbesse d'Amay/de Trèves - St.Oda / St.Ode, Princesse, Saint (née des Suèves), Environ 562 - 634 Oda (Chrodoare D'Amay De Savoie) d'AQUITAINE, de Souabe (née des SUÈVES), Environ 565 - 634 Oda of the Suevi, Princess of the Suevi, 556 - 634 Oda Chrodoara De Trier De Thurgau (née De Schwaben d'Amay De Suevie), 554 - 634 Oda de Aquitania (née des SUÈVES) Oda ou Clothilde (ou Chrodoare) la Sainte de SOUABE, Abbesse d'Amay (Belgique)
Nous retiendrons donc, jusqu’à preuve du contraire, que Chrodoara était ODE de SOUABE
Mariage
Ici, aussi, plusieurs imprécisions dans les textes en ce haut moyen âge.
D’abord, une première mention semblant incorrecte : « En 581, ODE épouse le DUC d’Aquitaine, BOGGIS ».
Dans Ly Myreur des Histors-Jean d’Outremeuse/1208 (traduction A-M Boxus et J.Poucet/2023), on peut lire : « Le duc Boggis n'était pas le Boggis, prince d'Aquitaine, mari de sainte Ode : le prince Boggis, mari de sainte Ode, était le cousin germain du duc Boggis ». Après vous devrez savoir, et nous l'avons mentionné ci-dessus, que ce prince Boggis eut de sa femme Ode un fils, saint Arnould, qui fut plus tard évêque de Metz. Et il l'était à ce moment-là, après avoir épousé Doda, fille du roi Eswald de la Petite-Bretagne, et soeur de saint Josse, de laquelle il eut un fils, nommé Anségisel. Ce dernier eut pour femme sainte Begge, qui donna naissance à Pépin II le Gros, le père de Charles Martel.
D’après d’autres écrivains, une autre mention semblant incorrecte : «Vers 595, ODE se retrouva veuve ».
De certaines sources qui l’ont guidé dans la rédaction de son roman « La Dame du Sarcophage d’Amay », Freddy VAN DAELE reprend: « Boggis s’occupa merveilleusement bien d’eux, mais le destin voulut que ce jeune duc, qui ne s’était jamais tout à fait remis de la mort de son frère cadet, entendit une voix divine lui recommandant d’aller expier ses péchés en ermitage dans les montagnes proches de Metz. Il abandonna donc pour toujours sa femme, âgée de 55 ans et son fils de 13 ans !.../… La malheureuse, mais courageuse Oda, livrée à elle-même, dut, dorénavant, se considérer comme veuve. Elle demanda et obtint asile à Landen chez le maire Carloman ».
ODE épousa Boggis un prince d’Aquitaine, qui les quitta, elle et leur fils, après 14 ans de vie commune
SA COLLEGIALE
Du roman de Freddy VAN DAELE:
.../...Après l’étape de Lesmesnils, les voyageurs rejoignirent à Metz la via de Tongres. On s’arrêta à Florange, à Arlon, à Warnach, à Wyompont, longeant la vallée de l’Ourthe, vers la Famenne et le Condroz, Marche et Vervoz, ensuite Strée puis Ombret où le vieux pont romain permettrait de passer la Meuse. Et ce fut là, sur la colline de la rive droite du fleuve, que la voix s’adressa à Oda pour une seconde fois : -« Avant de franchir le fleuve, Oda , tu vas lancer ton bâton de marche le plus loin possible vers la rive gauche et, à l’endroit où il tombera, tu feras bâtir une église dédiée au Saint et glorieux Grand-Martyr Georges » .
Sainte Ode jeta son bâton et fonda l'oratoire qui deviendra la collégiale d'Amay là où il retomba …/…On imagine alors la ferveur qui entoure peu à peu le lieu, encore attisée par la disparition de la sainte; le pèlerinage qui naît autour de sa sépulture, en l'église - au point que vers le VIIIe siècle on dépose sa dépouille dans ce sarcophage conçu pour être vu des fidèles qui se rendent à Amay…./…En 1089, l'oratoire créé par sainte Ode est devenu une église ottonienne dont on peut déjà deviner l'ampleur par ce qu'il en reste dans l'édifice actuel: la haute nef, composée de cinq travées, et les deux tours médianes, également en moellons.
SON SARCOPHAGE
-Une première inhumation au VIIe siècle:
Le décor datant du début du VIIe siècle, le corps de Chrodoara n'a pas pu être déposé dans le sarcophage lors de ses funérailles. De plus, le terme de « saint » ou « sainte » n'est jamais donné immédiatement après la mort.
-Un sarcophage datant du VIIIe siècle:
D'après la Vie de sainte Ode, l'élévation du corps (la reconnaissance formelle de la sainteté de la défunte) a lieu au début des années 730, durant l'épiscopat de Floribert de Liège. Cette célébration liturgique était destinée à mettre en valeur les vertus de ce saint personnage et à susciter une dévotion.
D’autres raisons corroborent aussi cette datation, à savoir :
La grande qualité d’exécution du couvercle conduit à penser que c’est une œuvre à situer fin VIIe - début VIIIe siècle, de par la complexité du décor, la maîtrise de la composition et la sûreté de la taille et de la gravure . La pratique funéraire de l’inhumation qui n’apparaît qu’à partir de la 2e moitié du VIIe siècle (650), voire début VIIIe siècle (avant incinération).
La graphie et la langue tendent à démontrer que le sarcophage est mérovingien :
La graphie typiquement mérovingienne (comparaison) Le texte est écrit dans un latin évolué de type mérovingien, qui est une altération du latin classique : nubelis pour nobilis, substancia pour substantia, sanctoaria pour sanctuaria, inclitis pour inclita.
-Un sarcophage-reliquaire:
Le sarcophage-reliquaire a donc sûrement été réalisé pour abriter les reliques de la nouvelle sainte, et destiné à être exposé à la vue des fidèles à l'intérieur de l'église d'Amay, d'où son décor sculpté. En effet, un sarcophage enfoui n’est pas décoré habituellement. L’inscription sur le sarcophage atteste cette thèse. On y lit le terme « sancta » désignant la défunte comme sainte et les caractéristiques essentielles de la vie du personnage, décrite comme noble, riche, puissante, et généreuse envers l’Église.
SA CHÂSSE
Magnifique exemple des différentes techniques d'orfèvrerie mosane du XIIIe siècle. La châsse est constituée d’une âme en chêne revêtue de plaques de cuivre, d’argent, d’émail et de pierreries. Début du VIIIe siècle, Floribert, évêque de Liège, aurait procédé à la translation des reliques dans le sarcophage Vers 1235, les reliques furent transférées dans cette châsse.
Depuis 2017, la châsse est mise en valeur dans l’ancienne salle capitulaire.
SOURCES
COENS Maurice-Analecta Bollandia-Vita sanctae Odae Viduae/1947
DIERKENS Alain-Le sarcophage de Sancta Crodoara/2006
MOREAU Claire-Annales du Cercle Hutois des Sciences et des Beaux-Arts T.XLI/1987
STIENNON Jacques-Le Sarcophage de Sancta Chrodoara/1977
VAN DAELE Freddy- La Dame du Sarcophage d'Amay. Edition Alfred Van Daele/Hosdent-sur-Mehaigne 2012