Bombardement à Huy (1940-1945) : Différence entre versions
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On parle d'une évacuation imminente de la Kommandantur. | On parle d'une évacuation imminente de la Kommandantur. | ||
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+ | Les alliés seraient à la franco-belge. | ||
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+ | Après une journée crispante, nous sommes à peine au lit que les modulations des sirènes se font entendre. Abri chez Claire MORSA (NDLR. caves voûtées d'une annexe de l'actuelle chapelle Saint Gérard, rue des Bons-Enfants). Fin d'alerte. Nouvelle alerte. Et le petit jeu dure jusqu'à 4 heures du matin. | ||
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+ | De lourd bombardiers américains passent massivement et à haute altitude. On ne risque probablement plus rien (NDLR. après le bombardement du 18 août) mais ma crainte subsiste confusément. | ||
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+ | Venant de l'est, des bruits sourds et lointains, accompagnés de grandes lueurs rougeâtre, parviennent jusqu'à nous: la Rhur est pilonnée, comme chaque nuit. | ||
Version du 12 novembre 2014 à 14:33
Sommaire
- 1 Témoignage
- 1.1 "Extraits de mon journal" par René Dethier
- 1.1.1 Vendredi 18 août 1944
- 1.1.2 Samedi 19 août 1944
- 1.1.3 Dimanche 20 août 1944 :
- 1.1.4 Lundi 21 août 1944
- 1.1.5 Mardi 22 août 1944
- 1.1.6 Mercredi 23 août 1944
- 1.1.7 Jeudi 24 août 1944
- 1.1.8 Le jours suivants :
- 1.1.9 Mercredi 30 août 1944
- 1.1.10 Jeudi 31 août 1944 :
- 1.1.11 Vendredi 01 septembre 1944 :
- 1.1 "Extraits de mon journal" par René Dethier
Témoignage
"Extraits de mon journal" par René Dethier
Vendredi 18 août 1944
Probablement la journée la plus dramatique de ma vie...
Après mon travail au Commissariat d'Arrondissement, vers 17h., je gagne le "bassin de natation", rue Neuve Voie, comme chaque jour.
Il fait très chaud et il y a beaucoup de monde. On y est habitué et on ne s'en soucie pas outre mesure.
Le bain de 17 h. finissant, il faut faire place au suivants. Je me rhabille tranquillement. Seuls, des militaires allemands, hommes et femmes, échappent au règlement et restent allongés au soleil, tout au bout du "bassin".
Des avions vrombissent au dessus de la ville quand je quitte l'établissement. Je me trouve sur la passerelle qui sépare celui-çi de la berge. Brusquement, un bruit indéfinissable venant du ciel retentit. Je lève les yeux: des bombes dégringolent sur nous. Je me jette à plat vendre dans le fossé de la berge tout en me protégeant la figure de mon essuie de bain et de mon maillot...C'est comme si la terre tremblait. Sifflements, éclats, pierres, poussières, mitraille, gerbes d'eau jaillissant de la Meuse... C'est l'Apocalypse !
Je suis atteint un peu partout par des éclats et je saigne abondamment, sans ressentir de douleur particulière.
Alors que nous étions nombreux sur la passerelle, quelques secondes auparavant, je me trouve seul. Tout le monde a disparu. Désemparé, je ne réalise pas ce qui arrive...
Instinctivement, je grimpe hors du talus, je traverse à toutes jambes la rue Neuve Voie et je me réfugie au rez-de-chaussée des papeteries LEONET, juste en face du "bassin".
Ce n'est que du plâtras et décombres et poussières. Tout est sens dessus dessous. J'aperçois, assise à terre, Denise BODEAU, qui a une partie de la jambe arrachée. En dessous du genou, ce n'est plus qu'une masse de chair informe, sèche, dont pas une goutte de sang ne s'échappe.
La pauvre fille m’implore de la placer dans un fauteuil, ce que je fait tant bien que mal.
Nouvelle vague d'avions, suivie du bruit des bombes qui touchent le sol, mais ce n'est pas pour nous...Provisoirement, peut-être ? Blottis sous un escalier, nous prions...Quand le calme semble enfin revenu, les secours s'organisent vite. Je quitte les lieux sinistrés en compagnie de Denise DEWAELE et de Clary X...
Le "Pont de fer" objectif des bombardiers est intact.
Quel désolation partout !
Je reçois des premiers soins des religieuses de l'hospice d'Oultrement, au pied de la collégiale. De là, je me dirige vers l'h^tel de Ville - pourquoi ? - où l'on m'invite à me rendre à la clinique des Crépalles.
Il y a beaucoup de tués et de blessés en ville, dit-on.
Bêtement, je me tracasse pour mon vélo abandonné sur la berge, près de l'école de natation.
Je gagne à pied la rue des Crépalles. Chemin faisant, je rencontre mon père, affolé, qui s'en allait à ma recherche. On lui a dit que j'étais vivant mais que j'avais un œil arraché...
Avec lui à la clinique des Crépalles, où les sœurs se Saint Joseph m'accueillent. D'autres blessés y arrivent en même temps que moi.
Bientôt le dentiste DUMONT s'amène et me prodigue d'autres soins.
Il me rase une plaque de cheveux et m'applique des point de sutures. Une piqûre dans le bras pour me "remonter". Une autre, dans le ventre, contre le tétanos.
Je suis "sonné" et je réalise mail que j'ai de la chance d'être vivant.
Un va-et-vient continuel mais discret dans les couloirs et des visites à n'en plus finir, durant tout la nuit. A croire que personne ne dort !
Des lueurs d'incendie rougissent le ciel de Huy et le plafond de ma chambre. Je localise le sinistre aux environs de la gare du Nord.
Samedi 19 août 1944
Tôt le matin, André LAMALLE, qui a soigné des mourants et des blessés pendant tout la nuit, vient me voir. J'ai une longle plaie ouverte au cuir chevelu, la tête tuméfiée, des éclats d'aciers dans la figure, le dos, les jambes et les mains; quelques dents abîmées et un oeil noir et fermé. Rien de grave en apparence. Et je n'ai toujours pas très mal.
Il paraîtque c'est la constrenation et la désolation en ville. On parle de 50 morts jusq'à présent, de nombreux blessés et disparus. Le Commissariat d'Arrondissement, où je suis occupé, a été pulvérisé. La concierge, madame RONDIA-STOFFE, est disparue, morte vraisemblablement, ainsi que d'autres habitants de la rue d'Amérique. Il y a des tués et des noyés à l'école de natation, qui est sous eau; de gros dégâts à certains bâtiments: à la Régie des T.T, à l'école d'agriculture, à la laiterie de Huy. Des maisons de la rue Cherave ont été durement touchées. Des bombes sont même tombées du côté de la Sauvenière et du Chemin d'Antheit.
A la soirée, Raymond JADOT me ramène chez moi, en taxi.
Mon père a récupéré mon vélo, intact, dans les décombres proche du "Bassin de natation". Je n'y pensais même plus.
Dimanche 20 août 1944 :
Impossible de fermer l'oeil avant 4 h; du matin, malgré les calmants que j'ai pris. Beaucoup de visites au cours de la journée. Des amis et des curieux.
La liste des tués s'allongent: 70 à présent. Parmi eux: Albert DABEE, Françine HENROTTE, les petits Georges WANZON et Georges WINKIN, le professeur de musique Camille DETHIER.
André LAMALLE, passé dans l'après-midi, a dit qu'il faudra que je passe à la radiographie.
Vers 21h., fatigué et las, je vais au lit alors qu'il y a encore des gens chez moi. Je parviens difficilement à m'endormir.
Lundi 21 août 1944
Radiographie à la clinique Saint Mort par le Dr. Modeste RIGA. En m'y rendant, je suis arrêté tous les cent mètres par des connaissances. Beaucoup de gens encore croient que j'ai perdu un oeil.
L'après-midi, funérailles des soixante victimes dont les corps reposaient à à l'école du Sud.
Mardi 22 août 1944
Le bruit court que les Américains vont à nouveau bombarder Huy. Entre 17h. et 18h., précise-t-on. Mais rien ne se passe évidement.
Mercredi 23 août 1944
Encore une mauvaise nuit. Je ressens seulement le contre-coup des récents événements. Du charroi passe dans la rue des Bons-Enfants...Je ne suis pas rassuré. A 23h., alerte. Nous allons à l'abri chez Claire RIGA (caves de l'actuelle chapelle Saint-Gérard).
Jeudi 24 août 1944
Les nerfs restent tendus.
Les postes de radio devront être libérés à l'autorité occupante pour le 30 août.
Nouveau bobard ?: le bruit circule que les jeunes gens de Huy vont être invités à se présenter à la Kreiskommandantur dans les heures qui viennent.
Le jours suivants :
Alertes aériennes du matin au soir. Des avions passent, sans fin, en direction de l'Allemagne.
Mercredi 30 août 1944
Plus question de réquisition des postes de radio: c'est la débandade allemande. La fièvre monte. Les anciennes usines Nestor-Martin, avenue Albert 1er, sont abandonnées par l'occupant. La Werbestelle (NDLR. qui s'occupe de la mise au travail obligatoire des jeunes en Allemagne) se vide.
La fin du cauchemar approche.
Jeudi 31 août 1944 :
Avancée rapide des alliés en France.
Fuite des collaborateurs hutois: Antoine DUPONT, Ernest MOUSSIAUX, Edgar DISCRY, Irène FERRIERE, etc...
On parle d'une évacuation imminente de la Kommandantur.
Vendredi 01 septembre 1944 :
Les alliés seraient à la franco-belge.
Après une journée crispante, nous sommes à peine au lit que les modulations des sirènes se font entendre. Abri chez Claire MORSA (NDLR. caves voûtées d'une annexe de l'actuelle chapelle Saint Gérard, rue des Bons-Enfants). Fin d'alerte. Nouvelle alerte. Et le petit jeu dure jusqu'à 4 heures du matin.
De lourd bombardiers américains passent massivement et à haute altitude. On ne risque probablement plus rien (NDLR. après le bombardement du 18 août) mais ma crainte subsiste confusément.
Venant de l'est, des bruits sourds et lointains, accompagnés de grandes lueurs rougeâtre, parviennent jusqu'à nous: la Rhur est pilonnée, comme chaque nuit.