Légende du ruisseau de Lizin Ouffet : Différence entre versions
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Version du 4 mai 2020 à 10:04
La légende du ruisseau et du chantoir de Lizin
En ce temps-là vivait à Lizin, hameau d’Ouffet, un Seigneur appelé Bonus. Il habitait un château délabré, quasi en ruines : un fossé qui le protégeait de tous côtés se remplissait de joncs et rêvait d'un bon curage, le pont-levis fatigué par l’âge fonctionnait avec peine, certains créneaux s’étaient en partie effondrés.
L’ensemble de la demeure laissait à penser qu’il s’agissait d’un propriétaire négligent ou manquant d’aisance. C’est cette dernière supposition qui était la bonne ; le Seigneur d’Ouffet était désargenté.
Son domaine, presque entièrement composé de bois, ne lui rapportait que de maigres revenus. Dans sa ferme, dépendance du château, on comptait une dizaine de chevaux et autant de têtes de bétail qui trouvaient à peine de quoi se nourrir dans les maigres prairies et terres cultivées de la propriété. Si le châtelain n’était pas riche il était cependant charitable, simple et bon envers tous ; il portait bien son nom. Ses gens l’aimaient et lui étaient très dévoués. Ne pouvant mener grand train comme tant de seigneurs des environs, il sortait rarement de chez lui.
Veuf depuis des années il avait un fils unique, Didier, à qui il avait donné une éducation soignée. Il possédait toutes les qualités qu’on demandait aux gentilshommes à cette époque. Parfait cavalier, habile à manier les armes, ardent à la chasse, il était en outre de belle prestance et possédait un visage très fin, mâle et nullement efféminé. Quant aux qualités du cœur, il avait celles de son père et partageait avec lui l’amour de ses sujets.
Parfois le père songeait que son fils pourrait, en épousant une riche héritière, rétablir son manoir et ses biens dans leur antique splendeur. Mais avant tout il voulait le bonheur de son fils et se souciait peu de lui trouver une épouse hautaine et frivole. Il ne manquait pas dans la région de gentilshommes opulents mais souvent, leur richesse les rendait fiers et distants. Ainsi était son proche voisin, le Sire de Géromont. Les deux hommes se voyaient à peine et bien que Bonus fût lui-même de plus vieille famille et de plus haute noblesse, celui-ci affichait à son égard un air blessant de supériorité étayé par sa fortune.
Géromont avait des fermes garnies de bétail et de chevaux en très grand nombre, s’il possédait des terres riches et grasses d’où il tirait de gros revenus, il faut savoir qu'il le devait à un ruisseau qui, prenant sa source à Lizin sur le territoire d’Ouffet, irriguait son plateau avant de prendre la direction de Comblain.
Didier avait déjà 18 ans et était en âge de se marier. Géromont avait une fille unique âgée d’un an de moins que son fils Didier. Mais Bonus d’Ouffet ne pouvait penser à elle pour son Didier… Jamais le fier Sire de Géromont ne consentirait à donner sa fille au fils d’un seigneur sans fortune, et puis, quel était le caractère de la jeune fille ? Probablement ressemblait-elle à son père, son fils serait-il heureux avec pareille femme ? Aussi ne lui en parla-t-il pas.
Un jour qu’il était parti seul à cheval à la chasse, à une croisée de chemins au milieu des bois, il se trouva tout à coup en face de la fée Eleusine. Troublé par cette rencontre et pensant qu’elle s’était égarée il arrêta son coursier et lui offrit ses services. Mais la bonne Eleusine lui dit ; beau jeune-homme, je connais ces bois aussi bien que toi, mieux peut-être et je sais ce que tu cherches. Écoute-moi, va dans la direction de Géromont, tu ne t’arrêteras que lorsque tu auras rencontré une biche telle que tu n’en as jamais vue. Ne la tue ni ne la blesse, tu n’y songeras même pas, essaye plutôt de l’apprivoiser. Te voyant elle ne sera pas farouche et te causera un plaisir plus grand que ne t’en ont donné tes plus belles chasses.
Ayant dit, la fée disparut à ses yeux.
Didier, troublé mais plein d’espoir, remonte en selle et obéissant à Eleusine prend le chemin de Géromont. Il avait parcouru tout son domaine et se trouvait à la limite de celle de son voisin. N’ayant vu nul gibier il se disposait tout triste à faire demi-tour quand se présenta devant ses yeux émerveillés la plus gracieuse jouvencelle qu’il eut pu imaginer. Il mit pied à terre et s’approchant tout ému de la belle amazone se présenta à elle et lui baisa la main qu’elle lui tendait. Il ne doute plus que ce soit elle l’objet de la prédiction de la fée. Cela lui donna de l’audace et il lui adressa un aimable compliment. Agnès de Géromont, car c’était elle, répondit sur le même ton et ne put dissimuler le plaisir de trouver près de chez elle un aussi beau jeune-homme qu’elle ne connaissait que de nom.
Il faut savoir, que peu auparavant, la fée Eleusine l’avait elle-même prévenue d’une rencontre qu’elle ferait lors de sa promenade.
Il n’en fallait pas d’avantage pour que nos deux jouvenceaux se donnent rendez-vous et se rencontrent fréquemment.
Didier, franc et ouvert, ne tarda pas à mettre son père au courant des évènements. Bonus, malgré les encouragements donnés aux amoureux par la bonne fée Eleusine craignait que Géromont s’oppose à cette union. Très honnête, il se présenta chez son voisin et lui demanda pour son fils la main de sa fille Agnès. Ces craintes n’étaient pas vaines et l’orgueilleux sire de Géromont refusa net.
Comment lui, pauvre Seigneur d’Ouffet, osait-il prétendre pour son fils à la riche héritière qu’était sa fille ? D’ailleurs elle-même n’en voudrait pas. Il ne la consulterait certes pas mais il connaissait sa fille qui dédaignerait assurément un si méprisable parti.
Bonus se garda bien de dévoiler les sentiments qu’Agnès avait manifestés à Didier lors de leurs secrètes rencontres. Il revint annoncer ce triste résultat à son fils et lui dit de rester plein d’espérance étant toujours sous la protection de la bonne fée Eleusine et le temps arrangeant bien des choses.
Didier, tout désespéré, n’allait plus chasser vers Géromont, ces lieux lui rappelaient de trop doux souvenirs qui lui fendaient le cœur. A quelques jours de là, il errait triste et solitaire dans ses bois, quand la bonne fée Eleusine lui apparu de nouveau, il lui fit part de son infortune.
Je connais ce fier Sire de Géromont qui ne voit que l’argent et méprise les qualités du cœur ! Viens avec moi et d’ici un an tu épouseras Agnès mais... tiens secret ce que je vais faire, n’en dis rien à personne si ce n’est à ton père.
Eleusine entraîna Didier vers la prairie de Lizin ; d’un coup de baguette magique elle éleva une digue au-devant du ruisseau qui coulait vers Géromont. Un étang se forma et l’eau se mit à bouillonner et ne monta plus. Un trou s’était creusé au fond de l’étang et l’eau du ruisseau y disparaissait. Didier raconta à son père ce phénomène, l’un comme l’autre ne comprenait rien à ce mystère. L’eau qui irriguait et fertilisait champs et prairies de Géromont était tarie depuis le chantoir de Lizin !
Le sire de Géromont vint sur place pour constater ce phénomène qui risquait de ruiner ses terres, il s’en rendit compte dès l’été suivant qui fut d’une sécheresse extraordinaire. Il ne parvenait plus à nourrir ses chevaux et bestiaux, en tomba malade et rendit l’âme avant la fin de l’été.
Bonus et Didier se rendirent aux obsèques de leur voisin où ils trouvèrent Agnès éplorée et aussi quantité de jeunes nobles qui déjà tentaient de se faire remarquer de la jeune héritière à qui ils prodiguaient des marques exagérées d’intérêt. Didier, au contraire, se montra plus discret respectant ainsi la douleur de l’orpheline.
Un mois plus tard, la fée Eleusine se retrouva sur le chemin de Didier et l’invita à la suivre. Elle l’amena à une clairière où peu après elle fit venir Agnès. Nos deux amoureux se retrouvèrent après d’amers mois de séparation.
Libre d’agir selon son cœur, la jeune fille se fiança à Didier et vint le voir au château de Bonus tout comme lui se rendait à Géromont. Cela n’arrêta pas les tentatives de nombreux seigneurs candidats à la main d’Agnès, aussi fut-il décidé de marier les fiancés. Six mois après la mort du Sire de Géromont, on célébra sans fastes les épousailles de sa fille avec Didier d’Ouffet.
La jeune femme révéla avoir trouvé à la mort de son père un coffre rempli d’or. Elle y puisa ce qu’il fallait pour remettre en état le vieux château de Bonus, curer les fossés, réparer les créneaux, installer un nouveau pont-levis et décorer le castel. On procéda en plus à l’irrigation des champs et prairies en amont du ruisseau de Lizin compensant ainsi le tort fait aux terres de Géromont. Le cheptel de ce domaine suffit à garnir les fermes des deux propriétés réunies.
Il va de soi que Didier et Agnès vécurent longtemps, heureux avec Bonus qui, après avoir vu grandir de nombreux petits-enfants, mourut centenaire.
Quant à l’eau qui disparaissait à Lizin, on la retrouve rue du Moulin à Comblain au Pont sous forme d’une résurgence qu’on appelle « Résurgence du Moulin » où vous pouvez voir, aujourd'hui en 2016 au pied de cette fausse source, une série de panneaux didactiques dont trois exemples ci-dessous.