Henri Dewart : Différence entre versions
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− | Henri | + | Henri DEWART est né à LIEGE le 31 Janvier 1893. |
− | Henri Dewart | + | |
+ | Durant la première guerre mondiale il est engagé au 12 Régiment de Ligne, il participe aux combats du Sart-Tilmant, combats de la place fortifiée d’ANVERS, combats de DIXMUDE puis garde sur l’Yser, période durant laquelle il est blessé. | ||
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+ | Il revient de cette épreuve décoré de la Croix de guerre avec palmes, Médaille de l’Yser, Médaille de la victoire et Croix militaire de première classe et surtout… une haine profonde de l’envahisseur allemand. | ||
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+ | Rendu à la vie civile, il reprend son travail de maître d’hôtel à l’hôtel CLIPPER à LIEGE | ||
+ | * En 1920, il se marie avec une Hollandaise : Marie Diederen. | ||
+ | * En 1933, il s’installe à l’ « Hôtel des ruines » ici au hameau de Lovegnée.(« Hôtel des ruines » car il se situe au pied du château de BEAUFORT qui était un avant-poste du comté de NAMUR face à la « Bonne ville « de HUY appartenant à la Principauté de LIEGE. En 1430, les Hutois ont détruit cette menace sur leur ville et leur commerce). | ||
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+ | Hiver 1939, l’armée belge est sur « pied de paix renforcé », c’est la « drôle de guerre », L’hôtel sert de corps de garde pour le détachement en charge de faire sauter , si nécessaire, la fabrique de poudre, située plus loin dans la vallée de la Solières. | ||
+ | Mai 40, de « drôle », la guerre devient réelle avec son cortège de peurs, de bassesses, de morts mais aussi de courage et d’héroïsme. | ||
+ | Henri DEWART sera ce que l’histoire appellera un résistant de la première heure. Après avoir quitté son domicile dans ce que l’on nommera plus tard l’ « Exode de 40 », il revient ici à LOVEGNEE, répare les dégâts subis par son hôtel ; il le rouvre et cet endroit sera très vite un « repaire » de résistants. Tout d’abord agent de renseignement, ensuite résistant armé, il fera surtout partie d’un réseau d’évasion de « réfractaires ». | ||
+ | Sa tâche se fera au nez et à la barbe des occupants qui fréquentent son hôtel. | ||
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+ | Etre résistants en 1940 n’est pas chose facile, car ils sont souvent seuls à lutter contre le courant défaitiste et résigné : les Allemands gagnent partout ! Il faudra attendre décembre 1941 avec l’échec de l’offensive sur MOSCOU pour voir « la fin du début », et 1944 pour le début de la fin. Donc, dans un tel contexte, beaucoup de compatriotes feront le « gros dos ». D’autres, par profit souvent, par idéal quelquefois, choisiront de combattre leurs compatriotes résistants, traités de « terroristes » … eux-mêmes se feront appeler « les amis de l’Ordre ». | ||
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+ | Revenons aux origines du drame qui va se jouer ici la nuit du 10 au 11 décembre 1943. | ||
+ | Henri Dewart participe aux premiers réseaux de renseignements et de résistance active qui s’organisent tant bien que mal (dont les noms seront « Armée secrète », « Services de Renseignements et d’Action », « Service Beaver-bâton » et puis « Front de l’Indépendance ») ; mais surtout il aide les « réfractaires » à échapper à l’occupant. | ||
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+ | Le « réfractaire » est généralement un homme de 20 à 35 ans, travailleur sans emploi, que l’occupant « invite » à venir travailler en Allemagne ; comble de cynisme, l’occupant a établi un odieux échange : un prisonnier en Allemagne peut rentrer au pays contre un travailleur partant travailler dans les usines allemandes.. Les temps sont difficiles pour ces travailleurs sans emploi : exclus du rationnement : manque de tickets permettant d’acheter, quand il y en a, du pain, de la viande de mauvaise qualité, de la matière grasse car « qui ne travaille pas ne mange pas »… ainsi que soumis à la suspicion et aux remarques des mères, filles et fils des prisonniers restés en Allemagne. Peu de jeunes gens vont se rendre « volontairement » en Allemagne, si bien qu’à partir de fin 1942 et début 1943, suite aux revers de l’armée allemande en Russie (STALINGRAD) et en Afrique du Nord (El Alamein) les « chômeurs » seront traqués et emmenés comme travailleurs forcés vers l’Allemagne. | ||
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+ | Le sort de ces travailleurs forcés, quoique un peu oublié, est terrible : non seulement ils sont parqués comme des prisonniers, ils sont mal nourris - car le Reich subit aussi le rationnement - ils sont en plus victimes des bombardements des Alliés car ces « travailleurs », au mépris des conventions de Genève, sont occupés dans des usines d’armements et de productions destinées à l’effort de guerre. | ||
+ | Ces « chômeurs mis au travail » essaient donc d’échapper à l’occupant mais surtout aux « amis de l’Ordre », ces compatriotes qui ont choisi de servir les desseins anti-démocratiques de « l’Ordre Nouveau » en accomplissant les basses besognes. | ||
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+ | Le 09 Décembre 1943, trois personnes sont amenées à l’hôtel des ruines par un ami du du curé de Saint-Léonard. Contrairement à l’habitude, ces personnes disparaissent dans la soirée du 10. Henri Dewart et son épouse ont un mauvais pressentiment, à force d’expériences, ils ont appris à se méfier et à pressentir le danger. Henri, ce soir-là, dira à son épouse qu’il ne se rendra pas, qu’il en tuera le plus possible et qu’ils se tueront ensemble avec les dernières cartouches. Horrible nuit que celle du '''10 au 11 Décembre 1943…''' | ||
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+ | Vers les deux heures du matin, des bruits suspects réveillent les époux DEWART et ils comprennent, il y a des camions dans la rue, des soldats et les maisons avoisinantes sont balayées par des faisceaux lumineux. Henri DEWART s’habille, et s’apprête à vendre chèrement sa peau, il sait, ils savent qu’ils n’ont aucune chance. Henri dit à sa femme de ne pas bouger, qu’il va revenir. Il descend, prend deux pistolets qu’il a depuis longtemps dissimulés sous son comptoir, les arme et attend. Très vite la porte d’entrée cède et les premiers à entrer sont des « amis de l’Ordre » qui croient faire une bonne pêche de terroristes sans risques. Erreur, les deux premiers sont immédiatement abattus sur le seuil, les autres sont un peu refroidis, mais il faut faire bonne prestance devant les soldats réguliers de la Wehrmacht. Deux autres seront encore abattus dans la grande salle, puis Henri Dewart va prendre une autre position de tir derrière le billard. Là il abat encore un Feldgendarme mais reçoit de plein fouet une rafale de mitraillette tirée par un soldat. Henri Dewart meurt sur le coup. | ||
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+ | La tragédie pour le couple DEWART, l’acte d’héroïsme pour la presse clandestine, l’exécution d’un dangereux terroriste pour la presse collaborationniste n’a pas duré plus de dix minutes, mais pour Marie, son épouse c’est le début d’un calvaire. | ||
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+ | Les « amis de l’Ordre » ont décidé de venger la mort de leurs camarades, ils se ruent dans la chambre et « interrogent » sur place Marie : coups, insultes tombent sur cette femme qui vient de voir son époux se faire abattre. Elle est emmenée dans les camions vers le Fort de HUY. La « rafle » a tristement réussi : une dizaine de personnes dont le curé de Saint-Léonard, perdront ce jour-là la liberté et, pour certains d’entre eux, la vie, dans les camps de prisonniers politiques. | ||
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+ | Au fort de HUY comme 7000 compagnes et compagnons d’infortune, Marie sera interrogée 11 fois par la Gestapo, elle ne dira rien. Voyant que c’est peine perdue, les spécialistes en interrogatoire de la GESTAPO vont la laisser aux mains des « gardiens » qui sont pour la plupart des compatriotes. Coups, manque de soins, malnutrition, froid - nous sommes en hiver et le Fort est glacial et humide - vont transformer cette femme rayonnante de vie, épouse aimante, en « loque » qu’on jettera hors du Fort le 18 Mars 1944 pour n’avoir pas à s’occuper de son cadavre …elle est mourante…. | ||
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+ | Marie survivra cependant, recueillie par les voisins, la famille MARTIN, qui habitent la ferme en face de l’Hôtel des ruines…. | ||
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+ | Henri sera enterré à BEN-AHIN dans le cimetière où sa tombe oubliée existe toujours. | ||
+ | Son nom est inscrit sur une des croix de l’enclos des fusillés à la citadelle à LIEGE. | ||
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Version du 18 août 2015 à 15:27
Henri DEWART est né à LIEGE le 31 Janvier 1893.
Durant la première guerre mondiale il est engagé au 12 Régiment de Ligne, il participe aux combats du Sart-Tilmant, combats de la place fortifiée d’ANVERS, combats de DIXMUDE puis garde sur l’Yser, période durant laquelle il est blessé.
Il revient de cette épreuve décoré de la Croix de guerre avec palmes, Médaille de l’Yser, Médaille de la victoire et Croix militaire de première classe et surtout… une haine profonde de l’envahisseur allemand.
Rendu à la vie civile, il reprend son travail de maître d’hôtel à l’hôtel CLIPPER à LIEGE
- En 1920, il se marie avec une Hollandaise : Marie Diederen.
- En 1933, il s’installe à l’ « Hôtel des ruines » ici au hameau de Lovegnée.(« Hôtel des ruines » car il se situe au pied du château de BEAUFORT qui était un avant-poste du comté de NAMUR face à la « Bonne ville « de HUY appartenant à la Principauté de LIEGE. En 1430, les Hutois ont détruit cette menace sur leur ville et leur commerce).
Hiver 1939, l’armée belge est sur « pied de paix renforcé », c’est la « drôle de guerre », L’hôtel sert de corps de garde pour le détachement en charge de faire sauter , si nécessaire, la fabrique de poudre, située plus loin dans la vallée de la Solières. Mai 40, de « drôle », la guerre devient réelle avec son cortège de peurs, de bassesses, de morts mais aussi de courage et d’héroïsme. Henri DEWART sera ce que l’histoire appellera un résistant de la première heure. Après avoir quitté son domicile dans ce que l’on nommera plus tard l’ « Exode de 40 », il revient ici à LOVEGNEE, répare les dégâts subis par son hôtel ; il le rouvre et cet endroit sera très vite un « repaire » de résistants. Tout d’abord agent de renseignement, ensuite résistant armé, il fera surtout partie d’un réseau d’évasion de « réfractaires ». Sa tâche se fera au nez et à la barbe des occupants qui fréquentent son hôtel.
Etre résistants en 1940 n’est pas chose facile, car ils sont souvent seuls à lutter contre le courant défaitiste et résigné : les Allemands gagnent partout ! Il faudra attendre décembre 1941 avec l’échec de l’offensive sur MOSCOU pour voir « la fin du début », et 1944 pour le début de la fin. Donc, dans un tel contexte, beaucoup de compatriotes feront le « gros dos ». D’autres, par profit souvent, par idéal quelquefois, choisiront de combattre leurs compatriotes résistants, traités de « terroristes » … eux-mêmes se feront appeler « les amis de l’Ordre ».
Revenons aux origines du drame qui va se jouer ici la nuit du 10 au 11 décembre 1943. Henri Dewart participe aux premiers réseaux de renseignements et de résistance active qui s’organisent tant bien que mal (dont les noms seront « Armée secrète », « Services de Renseignements et d’Action », « Service Beaver-bâton » et puis « Front de l’Indépendance ») ; mais surtout il aide les « réfractaires » à échapper à l’occupant.
Le « réfractaire » est généralement un homme de 20 à 35 ans, travailleur sans emploi, que l’occupant « invite » à venir travailler en Allemagne ; comble de cynisme, l’occupant a établi un odieux échange : un prisonnier en Allemagne peut rentrer au pays contre un travailleur partant travailler dans les usines allemandes.. Les temps sont difficiles pour ces travailleurs sans emploi : exclus du rationnement : manque de tickets permettant d’acheter, quand il y en a, du pain, de la viande de mauvaise qualité, de la matière grasse car « qui ne travaille pas ne mange pas »… ainsi que soumis à la suspicion et aux remarques des mères, filles et fils des prisonniers restés en Allemagne. Peu de jeunes gens vont se rendre « volontairement » en Allemagne, si bien qu’à partir de fin 1942 et début 1943, suite aux revers de l’armée allemande en Russie (STALINGRAD) et en Afrique du Nord (El Alamein) les « chômeurs » seront traqués et emmenés comme travailleurs forcés vers l’Allemagne.
Le sort de ces travailleurs forcés, quoique un peu oublié, est terrible : non seulement ils sont parqués comme des prisonniers, ils sont mal nourris - car le Reich subit aussi le rationnement - ils sont en plus victimes des bombardements des Alliés car ces « travailleurs », au mépris des conventions de Genève, sont occupés dans des usines d’armements et de productions destinées à l’effort de guerre. Ces « chômeurs mis au travail » essaient donc d’échapper à l’occupant mais surtout aux « amis de l’Ordre », ces compatriotes qui ont choisi de servir les desseins anti-démocratiques de « l’Ordre Nouveau » en accomplissant les basses besognes.
Le 09 Décembre 1943, trois personnes sont amenées à l’hôtel des ruines par un ami du du curé de Saint-Léonard. Contrairement à l’habitude, ces personnes disparaissent dans la soirée du 10. Henri Dewart et son épouse ont un mauvais pressentiment, à force d’expériences, ils ont appris à se méfier et à pressentir le danger. Henri, ce soir-là, dira à son épouse qu’il ne se rendra pas, qu’il en tuera le plus possible et qu’ils se tueront ensemble avec les dernières cartouches. Horrible nuit que celle du 10 au 11 Décembre 1943…
Vers les deux heures du matin, des bruits suspects réveillent les époux DEWART et ils comprennent, il y a des camions dans la rue, des soldats et les maisons avoisinantes sont balayées par des faisceaux lumineux. Henri DEWART s’habille, et s’apprête à vendre chèrement sa peau, il sait, ils savent qu’ils n’ont aucune chance. Henri dit à sa femme de ne pas bouger, qu’il va revenir. Il descend, prend deux pistolets qu’il a depuis longtemps dissimulés sous son comptoir, les arme et attend. Très vite la porte d’entrée cède et les premiers à entrer sont des « amis de l’Ordre » qui croient faire une bonne pêche de terroristes sans risques. Erreur, les deux premiers sont immédiatement abattus sur le seuil, les autres sont un peu refroidis, mais il faut faire bonne prestance devant les soldats réguliers de la Wehrmacht. Deux autres seront encore abattus dans la grande salle, puis Henri Dewart va prendre une autre position de tir derrière le billard. Là il abat encore un Feldgendarme mais reçoit de plein fouet une rafale de mitraillette tirée par un soldat. Henri Dewart meurt sur le coup.
La tragédie pour le couple DEWART, l’acte d’héroïsme pour la presse clandestine, l’exécution d’un dangereux terroriste pour la presse collaborationniste n’a pas duré plus de dix minutes, mais pour Marie, son épouse c’est le début d’un calvaire.
Les « amis de l’Ordre » ont décidé de venger la mort de leurs camarades, ils se ruent dans la chambre et « interrogent » sur place Marie : coups, insultes tombent sur cette femme qui vient de voir son époux se faire abattre. Elle est emmenée dans les camions vers le Fort de HUY. La « rafle » a tristement réussi : une dizaine de personnes dont le curé de Saint-Léonard, perdront ce jour-là la liberté et, pour certains d’entre eux, la vie, dans les camps de prisonniers politiques.
Au fort de HUY comme 7000 compagnes et compagnons d’infortune, Marie sera interrogée 11 fois par la Gestapo, elle ne dira rien. Voyant que c’est peine perdue, les spécialistes en interrogatoire de la GESTAPO vont la laisser aux mains des « gardiens » qui sont pour la plupart des compatriotes. Coups, manque de soins, malnutrition, froid - nous sommes en hiver et le Fort est glacial et humide - vont transformer cette femme rayonnante de vie, épouse aimante, en « loque » qu’on jettera hors du Fort le 18 Mars 1944 pour n’avoir pas à s’occuper de son cadavre …elle est mourante….
Marie survivra cependant, recueillie par les voisins, la famille MARTIN, qui habitent la ferme en face de l’Hôtel des ruines….
Henri sera enterré à BEN-AHIN dans le cimetière où sa tombe oubliée existe toujours. Son nom est inscrit sur une des croix de l’enclos des fusillés à la citadelle à LIEGE.
Parce que la nuit du 10 au 11 décembre 1943, Henri, probablement dénoncé par des réfractaires qu’il avait abrités jusqu’à la veille, a été abattu par la Gestapo, après avoir tenté de se défendre et tué lui-même quatre «Amis de l’Ordre» et un gendarme.«On en tuera le plus possible puis on se tuera pour ne pas être capturés», aurait confié Henri à son épouse, en début de nuit, alors qu’il se doutait que quelque chose se préparait.
Emmenée au Fort de huy par la Gestapo et interrogée à 11 reprises dans les semaines qui suivirent, Marie ne révéla jamais rien sur les activités de son mari, qui avait évité le service obligatoire en Allemagne à de nombreux réfractaires, récupéré et redistribué des armes… Elle fut relâchée en mars 1944 et fut recueillie par les habitants de la ferme de Lovegné, juste en face de son ancien hôtel. C’est là qu’elle termina sa vie.