De l'école industrielle de Huy à l'’IPEPS HUY-WAREMME... Regard sur 175 ans d'enseignement pour adultes

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Préface

« On ne peut comprendre l'importance de la formation des adultes, son intérêt social, culturel et économique pour le Bassin liégeois, si on ignore pourquoi, quand, comment et par qui elle a été mise en œuvre.

Hier École communale, Institut provincial depuis 1963, notre établissement hutois d'enseignement de Promotion Sociale fête, cette année, cent septante-cinq ans d'existence.

Cet anniversaire, et je m'en réjouis, est l'occasion d'en retracer l'histoire; l'occasion de se souvenir de ses petits et de ses grands moments; de reparler de ses anciens élèves, parmi lesquels, nous nous devons de le citer, Zénobe Gramme.

Cet anniversaire, c'est aussi l'opportunité de souligner les belles initiatives de cette école dynamique : l'encouragement à l'épargne en 1876, la formation des jeunes chômeurs en 1931, l'enseignement modulaire en 1979 ou, plus récemment, le projet européen Insert de formation en milieu carcéral.

A travers son histoire, le présent ouvrage nous permet également de rendre hommage à celles et ceux, personnel éducatif, administratif ou technique qui ont contribué ou contribuent encore à la prospérité des élèves, de l'école et, partant, à celle de notre Province.

Le regard sur l'histoire que nous propose ici l'IPEPS Huy-Waremme met particulièrement bien en lumière cette action spécifique et déterminante qu'est la formation des adultes.

Ses effets sont indéniables et permettent, aujourd'hui comme par le passé, de bâtir l'avenir. »

Le Député – Président du Collège provincial en charge de l’Enseignement et de la Formation

Introduction

Aujourd’hui, la formation des adultes n’est plus seulement une réponse aux déficits de travailleurs qualifiés, à l’instar de ceux qui ont présidé la naissance des écoles pour ouvriers.

Elle n’est plus, comme jadis les cours du soir, un bon moyen pour bénéficier d’une promotion dans l’entreprise.

Elle n’est pas simplement une façon de parachever ses connaissances et de les adapter aux progrès technologiques ou aux besoins socioculturels.

Elle n’est pas uniquement une seconde chance de reprendre les études que l’on n’a pas eu l’opportunité d’entamer, ou plus couramment de nos jours l’occasion de terminer.

Aujourd’hui, la formation des adultes, c’est tout cela à la fois.

La formation des adultes est devenue un élément constitutif inévitable du parcours professionnel ; un passage occasionnel, parfois contraint, souvent nécessaire, pour obtenir une insertion, un retour ou un maintien dans l’emploi.

Sans avoir la prétention d’apporter une réponse érudite à toutes préoccupations de nature historique, il nous a semblé important, pour marquer les 175 ans de notre Institut, d’évoquer succinctement les faits saillants, les petits et les grands moments de notre enseignement depuis sa préhistoire jusqu’à nos jours.

On prétend que les ressources d’une région influencent fortement la culture de ses habitants. L’histoire est certainement l’une des matières premières qui, à Huy, affleurent à chaque coin de rue. Nous osons donc espérer que ce regard sur l’histoire de notre école intéressera l’un ou l’autre passionné de « temps jadis ».

Il nous faut cependant ajouter que bien des éléments de la première partie de cet ouvrage sont dus à la plume d’Eugène Mossoux, Directeur des Écoles communales, dans son excellent ouvrage « Un siècle d’enseignement communal » publié en 1903 via les Annales du Cercle hutois des Sciences et Beaux-Arts – Tome XIV.

Pour la deuxième partie, une autre source importante de documentation est issue des travaux de Monsieur Rosmant, secrétaire communal de Huy qui, en 1938, a retracé, pour son centième anniversaire, les premières années de l’école.

Enfin, qu’il me soit permis ici de remercier toutes celles et tous ceux qui ont participé directement ou indirectement à la rédaction du présent ouvrage : Mmes Renée Dautrebande, Anne Sunde et Martine Roelandt pour les conseils et les recherches, Mmes Marie-Josée Vrankenne, Anne Kestelyn et MM. Armand Ruisseau, Joseph Fiévez pour les lectures, suggestions et corrections, M. François Amel pour le scannage des documents.

Préambule

1774

Portrait de l'impératrice Marie-Thérèse
Marie-Thérèse d'Autriche d'après Martin van Meytens, 1759

La coutume veut que l’on commence l’histoire de l’école en 1829 ; « c’est en effet à cette date que s’ouvre au local Saint Germain une école du soir pour ouvriers dont, il faut l’avouer, on ne connaît pas grand-chose… »

Il nous a cependant paru intéressant de faire précéder cette relation en citant une ordonnance de l’Impératrice Marie-Thérèse qui a pour objet de régler l’enseignement élémentaire dans tous les États de la maison d’Autriche. L’intitulé en est « Ordonnance générale pour les écoles » et le texte est daté du 6 septembre 177(v. annexe). Si nos provinces sont alors sous domination autrichienne, il n’en est pas de même pour ce qui est de la Principauté de Liège. Mais, l’existence de ce texte montre bien qu’en 1829 le souhait, la volonté, de promouvoir l’éducation en général, celle des adultes en particulier, ne sont pas nés ex-nihilo. Avant de poser un regard sur l’histoire de notre école, les grands titres du texte encadré ci-dessous permettent de planter le décor. On doit reconnaître aussi, si on prend en compte l’époque où cette ordonnance a vu le jour, que la législation est déjà aussi complète que possible. De nombreux points qui sont envisagés en 1774, font, de nos jours encore, le quotidien de notre enseignement : la division en degré, la professionnalisation des maîtres, les locaux réservés à leur destination spéciale, l’inspection, l’enseignement obligatoire, la liberté d’enseigner…

  1. Création d’une commission des écoles, dans chacun des États de la monarchie
  2. Des diverses catégories d’écoles et de leur siège
  3. Règles à suivre pour l’établissement des écoles
  4. Règles à suivre pour la construction des bâtiments d’école
  5. Matières de l’enseignement dans chacune des trois catégories d’écoles
  6. Par qui doivent être données les diverses branches d’enseignement
  7. Livre à employer
  8. De la manière d’enseigner
  9. Division des classes
  10. Des heures d’école
  11. Du temps à consacrer à chacune des matières
  12. Obligation pour les enfants de fréquenter l’école
  13. Obligation pour les parents et tuteurs d’envoyer les enfants aux écoles ; recommandations aux magistrats et supérieurs
  14. Le travail des orphelins ou tout autre besoin ne dispense pas de fréquenter l’école
  15. Des répétitions (écoles d’adultes)
  16. De la tenue du registre servant à annoter l’application et les progrès des élèves
  17. Des inspecteurs ordinaires chargés de s’assurer de l’état des écoles
  18. Nomination des inspecteurs généraux
  19. De la manière d’introduire la réforme dans les études
  20. Obligation, pour les postulants à des bénéfices à charge d’âmes ou pour les candidats à un état monastique, de connaître préalablement tout ce qui concerne les écoles
  21. Défense aux maîtres de tenir cabaret
  22. Des examens et des récompenses
  23. Rapports sur la situation des écoles
  24. Le zèle des inspecteurs et des maîtres pris pour base des promotions…
  25. Nous espérons également que chacun saura apprécier avec reconnaissance le soin maternel que nous avons mis à régler les principes de l’éducation et de l’instruction générale de la jeunesse.
  26. Nous ordonnons également à toutes les régences et à tous les gouvernements qui nous sont subordonnés, de faire exécuter dans les provinces et suivre ponctuellement les prescriptions de la présente ordonnance.
  27. Nous ordonnons également à tous les supérieurs ecclésiastiques et, en général, à tous les supérieurs civils, aux magistrats, aux seigneurs et à leurs employés, aux maîtres d’école et à tous nos fidèles sujets de se conformer au contenu de cette ordonnance, en tout ce qui les concerne.
  28. Fait dans notre capitale et résidence, ville de Vienne, le 6 septembre 1774.

Sous Marie-Thérèse, des efforts sont donc amorcés en Belgique pour relever l’enseignement de l'abaissement où l'a plongé la politique précédente. Les praticiens de l’enseignement conviendront que tout est dans cette ordonnance : la professionnalisation du secteur, le souci de l’usager, la formation des jeunes travailleurs, les examens, l’inspection… La rénovation des écoles proposée par Marie-Thérèse se fonde sur la création d'une école normale pour l'élaboration et la diffusion des méthodes et des outils, mais aussi et surtout pour la professionnalisation des enseignants. L’Écolâtre Des Roches inaugure celle de Bruxelles, en 1787. Un plan complet d'organisation de l’enseignement primaire va être appliqué, lorsque la révolution brabançonne éclate et fait tomber le gouvernement de Joseph II. La Révolution restaure l'Ancien Régime.

1791

Au vu de la modernité du texte de 1774, nous pouvons supposer que cette ordonnance a eu une influence sur l’enseignement, sur les objectifs à poursuivre, les actions à mettre en œuvre, les institutions à mettre en place. Ne dit-on pas que Condorcet, lui-même, s’en est inspiré ? Condorcet, élu à l'Assemblée législative, en devient secrétaire avant d'être envoyé à la Convention comme député de l'Aisne. La période 1791-1792 est surtout marquée par son œuvre sur l'instruction publique (cinq Mémoires sur l'instruction publique publiés en 1791 et le Rapport sur l'instruction publique publié en 1792). Pour la première fois, l'idée philosophique de l'institution scolaire est pensée dans sa complexité en rapport avec la souveraineté populaire : protéger les savoirs contre les pouvoirs, considérer l'excellence comme la forme la plus haute de l'égalité, voir en chaque enfant un sujet rationnel de droit, se garder d'assujettir l'instruction publique aux volontés particulières et à l'utilité immédiate, telles sont quelques-unes des thèses majeures proposées par Condorcet Ce faisant, il soutient qu'instruire n'est ni informer ni conformer et que c'est peut-être trop en faire que d'instaurer une « éducation nationale ». Nous extrayons d’un document produit en version numérique par Jean-Marie Tremblay, bénévole, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi (Québec), la table des matières de l’œuvre de Condorcet :

  • Premier Mémoire: Nature et objet de l'instruction publique
I. La société doit au peuple une instruction publique
II. La société doit également une instruction publique relative aux diverses professions
III. La société doit encore l'instruction publique comme moyen de perfectionner l'espèce humaine
IV. Motifs d'établir plus de degrés dans l'instruction commune
V. L'éducation publique doit se borner à l'instruction
VI. Il est nécessaire que les femmes partagent l'instruction donnée aux hommes
  • Second Mémoire: De l'instruction commune pour les enfants
I. Premier degré d'instruction commune
II. Études de la première année
III. Des maîtres
  • Troisième Mémoire: Sur l'instruction commune pour les hommes
Des livres nécessaires à cette instruction
  • Quatrième Mémoire: Sur l'instruction relative aux professions
  • Cinquième Mémoire: Sur l'instruction relative aux sciences

1792

Une section de cinq membres, Condorcet, Lacépède, Arbogast, Pastoret et Romme, est chargée d'élaborer un plan général d'instruction. Le 30 janvier 1792, Condorcet fait lecture au Comité, au nom de cette section, d'un projet de décret sur l'organisation générale de l'instruction publique. Ce projet est discuté par le Comité jusqu'au 4 avril. Condorcet, désigné comme rapporteur dès le 5 mars, fait au Comité deux lectures successives de son rapport, le 9 et le 18 avril. Les 20 et 21 avril lecture du rapport et du projet de décret est faite à l'Assemblée, au nom du Comité, par Condorcet. Le projet de décret établit cinq degrés d'instruction : les écoles primaires ; les écoles secondaires (écoles primaires supérieures) ; les instituts (collèges) ; les lycées (facultés) ; et la Société nationale des sciences et des arts, chargée de la direction générale de l'enseignement. Outre les cinq mémoires, nous devons à Condorcet d’autres textes importants et d’un caractère tellement intemporel qu’ils semblent toujours adaptés à notre époque. On y retrouve l'urgence d’instaurer l'instruction publique pour donner une réalité de fait à l'égalité juridique et politique proclamée par la Révolution. Deux thèmes y sont soulignés : la République doit veiller à l'indépendance de l'instruction publique face à tout pouvoir même politique et, en réponse aux attaques de Marat, il souligne, comme les cinq Mémoires, le rôle des savants dans la détermination des savoirs élémentaires à enseigner. Lorsque ces deux conditions ne sont pas respectées, l'instruction publique perd sa liberté et l'égalité des citoyens est un vain mot.

1802

Texte alternatif
La vallée du Hoyoux vers Marchin

A l’aube du 19e siècle, une autre partie du décor dans lequel va évoluer notre établissement scolaire est évidemment la situation industrielle de la région hutoise. En voici un bref aperçu. La réunion de la Belgique à la France donne un nouvel essor à l’économie de notre région. De nouvelles fabriques industrielles sont créées. En 1802, M. Delloye établit les premiers laminoirs à tôles fines. Ils sont actionnés par l’intermédiaire de roues à eau. Ses tôles de fer blanc pour lesquelles il a remporté une médaille à l’Exposition de Paris sont répandues dans toute l’Europe. À Marchin, les forges de Marche, du Grand Poirier et de la Grosse Forge appartenant à Clément Delloye voisinent avec l’usine de la Veuve Bastin-Delloye fondée en 1784 comprenant un marteau pilon, un laminoir et une forge. Les établissements de Clément Delloye se constituent en Société Anonyme en 1837 sous le nom de « Fabrique de fer du Hoyoux » avant de devenir plus tard la « société des Tôleries Delloye-Mathieu ». En 1806, la ville de Huy compte sept établissements sidérurgiques : le laminoir à tôles de M. Dautrebande, le haut fourneau et la forge de M. Jaumenne, le laminoir à tôles de M. Delloye et le laminoir, la fonderie et le martinet de M. Bastin. D’autres laminoirs et de nombreuses forges sont également implantés dans la vallée du Hoyoux.

Au niveau de l’industrie minière, les huit premières exploitations pour la houille datent de 1829. Il s’agit d'Ampsin, Antheit, Bas-Oha, Ben-Ahin, Couthuin, Gives, Huy et Wanze.

1830

Les papeteries Godin.jpg

En 1830, un exploitant extrait encore du fer aux Roches de Statte tandis que de Laminne et d’autres exploitent des mines de fer, de plomb, de calamine et d’alun sur les territoires d’Ampsin et d’Antheit. L’exploitation de mines d’alun gisantes sous la commune d’Ampsin forme le noyau des établissements de Laminne qui deviennent par la suite la Société Corphalie.

Si l’industrie papetière date du début du 17e siècle, en 1830 elle est une des plus prospères. Rien que chez Godin, la production passe de 150 000 à 400 000 kg. En 1828, les six papeteries existantes produisent environ 650 000 kg et occupent pas moins de 200 ouvrières et ouvriers. Vers 1842, grâce à l’esprit d’initiative d’Alexis Godin qui introduit en Belgique les premières machines à papier dites « continues », la Si l’industrie papetière date du début du 17e. siècle, en 1830 elle est une des plus prospères. Rien que chez Godin, la production passe de 150 000 à 400 000 kg. En 1828, les six papeteries existantes produisent environ 650 000 kg et occupent pas moins de 200 ouvrières et ouvriers. Vers 1842, grâce à l’esprit d’initiative d’Alexis Godin qui introduit en Belgique les premières machines à papier dites « continues », la production passe de 412 000 kg en 1841 à 8 600 000 Kg en 1890. Les usines de M. Godin occupent alors environ 2000 personnes. Ces fabriques attirent également des ateliers de construction d’une certaine importance. Un ancien document renseigne la fabrication d’une machine à papier par les ateliers Thiry en 1873.

Au cours de la seconde moitié du 19e siècle sont fondés à Huy l’atelier de construction Preud’homme (machines à vapeur) et l’atelier Springuel (automobiles). Après le papier et les tôles, c’est le travail du cuir qui assure la prospérité de la région. Pour les quatre tanneries, la production totale en 1811 est de 12 000 peaux. En 1830, cinq tanneries existent à Huy. D’autres industries font également la réputation de notre région : les distilleries, la fabrique de poudre à Lovegnée (Ben-Ahin), deux raffineries de sel, des savonneries, sept moulins à cailloux destinés à moudre les matières premières qui entrent dans la composition de la pâte pour les faïenceries et même un atelier de toiles peintes fondé par les frères Delloye vers 1793.

1815-1830 - La préhistoire

Flacons d'encre et boites de plumes sur un banc d'écolier
Matériel d'écriture sur un banc du Musée communal de Tihange

Annexée à la France, soumise à la constitution de l’An III de la république, la Belgique reconnaît le double principe d’un enseignement libre et d’un enseignement public. En dehors de la loi du 3 brumaire de l’An IV qui exige une école primaire par canton, on peut dire qu’en 1815, l’enseignement en France n’est malheureusement encore nulle part. Comme le précise Eugène Mossoux dans les Annales du Cercle hutois des Sciences & Beaux-Arts :

« Avant 1815, nous n’avons plus, en Belgique, ni maison d’école, ni méthodes d’enseignement, ni autorités préposées à la surveillance de l’instruction primaire. Partout, règnent l’ignorance et l’abrutissement des masses, par suite de l’insouciance du Gouvernement et des autorités pour ce qui concerne l’éducation populaire. En un mot, c’est le Néant !..., néant dont nous ne sommes sortis qu’à partir de notre réunion à la Hollande, grâce à la législation néerlandaise du 3 avril 1806, qui avait régénéré les institutions scolaires dans le pays nouveau dont nous allions partager les destinées ».

Pour preuve, Eugène Mossoux cite la réponse du Maire de Huy au Préfet de Liège, le 13 août 1812, la nomenclature des pensionnats de jeunes demoiselles existant à Huy à cette date, avec le nom de la pension et le nombre de pensionnaires :

A) Nombre des pensionnats : un
B) Nombre des maîtresses : une (Mme Xavier Louise).
C) Prix de la pension : 370 frs.

Nombre des Des pensionnaires : une (Melle Dethier de Liège).

1827

Une commission communale formant une section de la société d’encouragement pour l’instruction publique dans la province de Liège est constituée le 27 août 1827. En sont membres : MM.

  • Delchambre-d’Herstal, bourgmestre ;
  • Toussaint, inspecteur des écoles ;
  • De Barre de Comogne, conseiller de régence ;
  • Mathieu, négociant, propriétaire sur la Place ;
  • Giroux, inspecteur des domaines ;
  • Grégoire, notaire ;
  • Detelle, conservateur des hypothèques ;
  • Deleuw, membre de la commission des hospices civils ;
  • Martin, professeur ;
  • Delloye Hyacinthe, fabricant ;
  • Tthirion, avocat ;
  • Bron, docteur en médecine ;
  • Godin, docteur en médecine ;
  • Wein, contrôleur des contributions
  • Wesmaël, propriétaire ;
  • Wauthier, ancien proviseur ;
  • Badet, membre du Bureau de bienfaisance ;
  • Schellinck, chirurgien.

Par ailleurs, la Régence souhaite, avec l’appui de l’Administration pour l’instruction publique, les sciences et les arts, voir organiser à Huy une École moyenne au Collège communal.

L’avis conforme de l’Inspecteur des écoles du district, Monsieur Toussaint, décide l’Administration communale à créer dans son collège une école moyenne et industrielle conformément au plan suivant :

  • A.L’enseignement sera divisé en trois années, comme suit :
1ère année - Langue française ; langue hollandaise ; dessin linéaire ; arithmétique ; histoire de l’industrie de l’homme ; arithmétique commerciale ; histoire naturelle ; agriculture.
2e année - Langue française ; langue hollandaise ; arithmétique commerciale ; histoire naturelle ; histoire de l’industrie de l’homme ; algèbre et géométrie ; opérations de change et de banque ; chimie appliquée aux arts ; physique ; correspondance et tenue des livres ; géographie ; mathématique et physique.
3e année - Langue française ; langue hollandaise ; géométrie et mécanique appliquées à l’industrie ; chimie ; physique ; géographie industrielle et commerciale ; économie politique : géographie moderne ; géographie et histoire des Pays-Bas ; histoire de l’industrie de l’homme.
  • B.Les élèves ne seront admis qu’à l’âge de quatorze ans, et après avoir subi un examen préalable, ou avoir fait constater qu’ils ont fréquenté avec succès les écoles primaires.
  • C.La rétribution annuelle, payable par semestre, est de 12 florins la 1ère année ; de 18 florins la 2e année, et de 24 florins la 3e année.
  • D.Pour favoriser la classe des ouvriers, on les admettra à un prix modique, aux cours de français, arithmétique, dessin linéaire, géométrie et mécanique appliquée à l’industrie. On donnera ces cours le matin et le soir.
  • E.Les cours de l’École industrielle seront distribués comme suit :
1ère année - langue française ; dessin linéaire ; arithmétique.
2e année - les même branches plus géométrie et mécanique appliquée à l’industrie. Rétribution annuelle : six florins payables par trimestre.

(signé) Le Bourgmestre, Delchambre-d'Herstal

1830-1838 - La genèse

1830

On relève donc que lorsque survient la Révolution de 1830, la Ville de Huy compte, outre le Collège et quatre écoles communales, l’École moyenne et industrielle et une école gratuite du soir pour ouvriers fréquentée par une soixantaine de jeunes gens.

Les conséquences de la Révolution de 1830 sont désastreuses pour notre enseignement. La Constitution de 1831 proclame la liberté absolue de l'enseignement en des termes précis : « ART. 17. L'enseignement est libre. Toute mesure préventive est interdite, la répression des délits n'est réglée que par la loi. L'instruction publique donnée aux frais de l’État est également réglée par la loi. » Jusqu'en 1850, pendant près de vingt ans, l’instruction moyenne reste sans organisation. En 1840, le Ministre Nothomb écrit dans son rapport sur la première décennie de notre indépendance : « Cette révolution fut le signal d’une réaction scolaire générale et violente, qui a couvert le pays de ruines. » En effet, la proclamation de la liberté de l’enseignement a engendré la fermeture de nombreuses écoles fondées sous le régime hollandais et de nombreux instituteurs sont congédiés sans aucune indemnité.

En même temps, la liberté d’enseignement permet à tout un chacun d’ouvrir une école. L’ouvrier renvoyé, sans attestation, pour paresse ou négligence, ne trouvant plus d’emploi nulle part, ouvre, pour survivre, une école. Eugène Mossoux le raconte : « Le soldat exclu de l’armée pour incapacité ou inconduite se faisait instituteur. Le tailleur et le cordonnier prirent également part à la lutte. On a vu des cumulards, à la fois instituteurs, cabaretiers et barbiers. Au beau milieu de la leçon, arrivait un paysan en sabots qui demandait à être rasé et rafraichi. L’instituteur, empressé, troussait ses manches ; débouchant un carafon de genièvre, il offrait un verre à la pratique et en buvait un lui-même pour faire société, puis se mettait en devoir de raser. Cette besogne faite, la leçon momentanément interrompue, recommençait… et la salle de l’école servait ainsi tout à la fois de cabaret et de boutique du barbier. »

Tous les efforts consentis pour l’enseignement durant le régime hollandais sont interrompus. Contraint par l’organisation de notre pays nouvellement indépendant, le jeune Gouvernement se préoccupe d’abord de l’armée, des impôts, des routes, des voies navigables, du chemin de fer, mais fort peu de l’instruction publique. Tout le pays n’est cependant pas atteint au même degré. Les responsables hutois ont gardé leur confiance dans nos écoles et préservé notre enseignement des conséquences de la Révolution.

1838-1860 - L’école du soir des ouvriers

1838

C'est, à n'en pas douter, au développement considérable qu'ont pris à Huy et dans la région différentes industries, et principalement celles du fer et du papier, qu'il faut attribuer cet intérêt pour l'école du soir des ouvriers.

Les responsables hutois sont conscients que les établissements qui ne sont soutenus que par le zèle et le dévouement bénévole de quelques instituteurs n'ont le plus souvent qu'une existence éphémère. Aussi, le Collège échevinal propose-t-il, le 16 novembre 1838, de comprendre au nombre des écoles communales cette école du soir qui se tient dans l’ancienne église Saint-Germain, de lui assurer la stabilité, l'avenir et d’accorder aux professeurs le juste dédommagement de leurs peines. Dans son rapport annuel de 1838, le Collège échevinal le souligne : « Nous ne nous attacherons pas à démontrer l'utilité de chacune des branches de cet enseignement et les avantages que peut retirer la classe ouvrière de la fréquentation de ces leçons ; il est aujourd'hui reconnu que les connaissances qu'elles ont pour objet sont indispensables à l'ouvrier, quelle que soit la profession qu'il exerce. »

Si l’IPEPS Huy-Waremme, héritière de l’École Industrielle de Huy, fête aujourd’hui ses 175 ans, c’est parce que depuis 1938, année de son « premier centenaire », on a pris l’habitude de situer les débuts officiels de l’école à la délibération du Collège échevinal de la Ville de Huy du 16 novembre 1838 proposant de comprendre l’école du soir pour ouvriers parmi les écoles communales. L’école du soir de Huy est donc l’une des plus anciennes du pays. En effet, elle remonte à 1829, installée dans l’ancienne église Saint-Germain, sous le nom d’école du soir pour ouvriers, avec un programme extrêmement restreint et un budget on ne peut plus modeste. Les leçons y sont gratuites et se donnent tous les jours de 19 à 21 heures. Trois professeurs en sont chargés.

Texte alternatif
L'église Saint-Germain

À l’ancienne église Saint-Germain, les cours sont dispensés par les régents du collège. Le local est spacieux mais humide, mal éclairé, mal aéré, presque insalubre. L’école est dépourvue de cours de récréation, le boulevard des Fossés en fait office. La rue Axhelière sert de latrines. La Ville fournit le chauffage, l’éclairage et les livres d’école. La rétribution accordée aux professeurs est, conformément à leurs vœux, prélevée sur les émoluments des édiles communaux. Par la suite, la commission administrative des hospices civils se charge de certains frais de fonctionnement.

L’École a pour but de perfectionner et d’étendre la première instruction que les enfants de la classe ouvrière ont acquise dans les écoles primaires, dont elle est le complément indispensable. A l’origine, les études durent deux ans et comprennent les principes généraux de la langue française, l’arithmétique, la géométrie pratique, le dessin linéaire et architectural et le dessin d’ornement. Almanach de liège 1839 P.211.png

1840

En 1840, le corps professoral de l’école du soir des ouvriers de Saint-Germain réclame au Conseil communal de mettre fin à l’état précaire dans lequel il est contraint de fonctionner. Les professeurs demandent :

  1. Une organisation définitive, avec fixation de la somme annuelle nécessaire ;
  2. Un règlement déterminant d’une manière précise les matières de l’enseignement, les conditions d’admission des élèves, les obligations et les devoirs des professeurs ;
  3. La nomination d’une Commission de surveillance pour inspecter l’école et assurer la stricte exécution du règlement ;
  4. Un local plus convenable et moins éloigné du centre-ville que le local actuel (Saint-Germain).

L’idée d’un règlement organique qui favorise la tenue des classes et, partant, le bon déroulement des leçons séduit le Conseil communal. Il répond positivement à la demande et élabore un règlement particulier pour chaque établissement scolaire.

Le règlement organique de l’école du soir pour ouvriers est publié le 16 septembre 1840. Il entre en vigueur à la rentrée d’octobre de cette même année. Voici quelques extraits de ce règlement qui compte trente articles :

  • Art. 1er. – L’école du soir a pour but de perfectionner la première instruction que les individus de la classe ouvrière ont reçue dans les écoles primaires, et de leur procurer en outre les connaissances qui leur manquent pour devenir, dans leurs professions, d’habiles ouvriers et de bons chefs d’atelier.
  • Art. 2. – Le cours des études durera deux années et comprendra :
1. La langue française ;
2. L’arithmétique complète, y compris le système des mesures métriques ;
3. La géométrie pratique ;
4. Le dessin linéaire, le dessin d’ornement et les éléments de l’architecture.
  • Art. 3. – Les leçons sont gratuites et se donnent tous les jours, les dimanches et fêtes exceptés, de 7 à 9 heures du soir en été et de 6 à 8 heures en hiver.
  • Art. 9. – Pour être admis, les ouvriers devront être âgés de 12 ans au moins, savoir lire, écrire, les 4 règles d’arithmétique.
  • Art. 10. – Pour faciliter l’accès à l’école du soir aux ouvriers désireux de s’instruire, mais qui ne possèderaient pas les connaissances nécessaires pour y être admis, il sera annexé à cette école, lorsque les ressources de la Ville le permettront, une classe préparatoire où ils recevront, gratuitement, des leçons de lecture, etc., jusqu’à ce qu’ils soient en état de fréquenter l’école du soir.

Le corps professoral des cours du soir revendique également une commission de surveillance. Le Conseil communal élit en son sein une commission chargée de l’inspection de toutes les écoles et de l’application des règlements particuliers aux établissements. La première commission nommée le 5 octobre 1840 comprend Monsieur Parnajon, Bourgmestre, Président de droit ; Monsieur Thyrion, Procureur du Roi ; Messieurs Rome, Toussaint et Delchambre, Conseillers communaux. Plus que toute autre, cette dernière mesure favorisera la qualité de l’enseignement hutois.

L’enseignement est confié aux trois professeurs dont l’un assume la direction. Le premier directeur nommé le 22 septembre 1840 au traitement annuel de 500 francs est Michel-Joseph Toussaint, Secrétaire communal, anciennement Inspecteur du 9e District pour l’enseignement primaire et Directeur de l’École moyenne et professionnelle. Ses deux collaborateurs sont Jules Leblanc et Auguste Geedts, qui recevront chacun un traitement annuel de 400 francs.

L’école, ainsi organisée, connaît immédiatement la faveur de la classe ouvrière de la ville et des campagnes voisines. De 60 élèves en avril 1838, la population passe à 75 en octobre 1840. Autre exemple de la qualité des cours du soir de l’époque : le 22 février 1843, le Conseil communal désigne Monsieur Jean Clerbois, ancien élève de l’école du soir pour remplacer Monsieur Collard comme secondant à l’école gratuite de Saint-Germain. Il sera désigné par la suite Instituteur en chef.

1845

En 1845, l’enseignement de l’École moyenne et Industrielle est subdivisé en deux sections : les humanités et l’école industrielle. Monsieur Jean Koenders y est nommé directeur en remplacement de Monsieur Nottret, démissionnaire. Le citoyen français Nottret, bachelier ès lettres, professeur de mathématiques à Givet, était chargé de la direction et de l’inspection depuis 1841.

Le 18 septembre 1846, le Conseil communal décide que l’école sera transférée à partir du 1e octobre, dans la salle de l’école primaire gratuite établie au Collège communal. À cette date, il adopte un nouveau plan d’organisation de l’établissement prévoyant l’adjonction d’un cours de géométrie et de mécanique élémentaire approprié aux besoins des élèves. En 1847, l’école est fréquentée par quatre-vingt-cinq élèves.

1848

Le 27 avril 1848, le Conseil communal vote une nouvelle extension du programme d’études et la transformation de son école du soir en école industrielle proprement dite. L’École du soir pour ouvriers est convertie en école industrielle gratuite. Celle-ci est installée dans un des bâtiments du Collège communal et reçoit une organisation nouvelle, en rapport avec son importance.

Le projet présenté par la Commission d’instruction précise : « L’école industrielle a pour but la propagation des connaissances nécessaires à l’exercice des arts et métiers. »

Les cours sont au nombre de sept, ils sont donnés dans un des bâtiments du Collège communal, de 6h à 8h en hiver, de 7h à 9h en été. Les cours sont dorénavant divisés en trois sections: deux sections inférieures, préparatoires, où sont enseignés le dessin, l'arithmétique, la langue française et des notions d'histoire et de géographie, et une section supérieure au programme de laquelle sont inscrits le dessin, la géographie, la mécanique, la langue française, la chimie et la physique. La durée des cours est portée de deux à trois ans.

Sont admis à fréquenter l’école les jeunes gens de la ville et de l’arrondissement qui ont justifié, par un examen, qu’ils possèdent les connaissances voulues pour suivre les cours avec fruit. L’examen général et public a lieu à la fin de l’année scolaire ; il est suivi d’une distribution des prix. A cette occasion, des certificats de capacité sont distribués aux élèves qui ont suivi avec succès les cours des trois sections.

Ce régime subsiste jusqu'au 24 décembre 1850, date à laquelle le Conseil communal apporte quelques modifications et fixe l'âge d'admission à quatorze ans.

1851

Le 7 septembre 1851, l’Organe de Huy retrace dans un article la Distribution des prix de l’École Industrielle : « après le Collège est venue l’école des ouvriers. M. Boset, directeur de cette école a prononcé un discours dans lequel il fait ressortir l’utilité pour tous et spécialement pour les ouvriers et les artisans de l’enseignement professionnel. Ce n’est pas, dit l’honorable professeur, une instruction superficielle bonne tout au plus à la lecture d’un livre qu’il faut donner à l’ouvrier mais bien des connaissances solides et substantielles au moyen desquelles il puisse s’initier aux divers secrets de son métier. Un enseignement simple et pratique, basé sur des principes qui lui auront été expliqués, loin de détourner l’ouvrier de son travail l’y accoutume, l’y encourage parce qu’il est persuadé à chaque instant qu’il peut faire mieux et plus en perfectionnant ses méthodes. Il reconnait, il apprécie lui-même l’utilité et la nécessité de l’étude à laquelle il se livre qui est relative aux règles générales de la profession qu’il exerce, il jouit par son intelligence des découvertes qu’il croit faire et qu’il fait réellement dans le champ de ses opérations, il se flatte à l’avance des inventions qu’il espère trouver dans la suite. »

Le 22 août 1852, Monsieur Boset adresse un affectueux adieu à ses élèves, il quitte l’École des ouvriers pour prendre la Direction de l’École moyenne d’Ypres.

1853

En 1853, le Conseil communal constate que les enfants des classes défavorisées quittent l’enseignement pour aller travailler dès qu’ils ont fait leur première communion. Ils perdent de ce fait rapidement les acquis de leurs premières années d’études. Le Conseil décide donc d’annexer à l’école industrielle, comme promis en 1840 au corps professoral des cours du soir, des classes préparatoires destinées à permettre aux élèves qui le souhaitent d’être admis par la suite à l’école industrielle. Un subside de 1000 francs qui s’ajoute à celui de la Province est alloué par l’État pour faire face aux frais nouveaux qu’entraîne la création de cette école préparatoire.

Le personnel enseignant se compose de quatre professeurs du collège et de deux instituteurs de l’école primaire. Ces classes préparatoires comportent des cours de grammaire et de calculs. MM. Louis et Thomas en sont les premiers instituteurs. Les résultats de cette transformation sont des plus heureux et la population de l'école passe de 79 à 91 élèves répartis comme suit : 19 en division supérieure ; 37 en division moyenne et 35 à l'école préparatoire. L'année suivante, l'école compte 120 élèves, dont 50 en préparatoire.

1857

Le 9 octobre 1857, le Conseil communal met en place une Commission d’Inspection et de surveillance des écoles gratuites et payantes, de l’école industrielle des ouvriers et de l’école gardienne.

Voici les attributions de cette commission :

  1. Surveiller l’état de l’enseignement dans les écoles précitées et s’assurer que les bonnes méthodes y sont employées. A cet effet, elle devait se rendre au moins une fois par mois dans chacune des écoles et constater la date de sa visite dans un registre tenu par le chef de chaque établissement ;
  2. Établir des examens semestriels pour les élèves ;
  3. Être présente lors de la visite des Inspecteurs, et réunir alors en conférence avec ceux-ci les instituteurs et les institutrices ;
  4. Émettre un avis sur toute demande de nomination aux places vacantes, d’avancement, d’augmentation de traitement, adressée au Conseil par des candidats ou des titulaires ;
  5. Veiller à ce que les règles d’hygiène soient observées, tant dans les locaux servant d’école que de la part des élèves qui y sont admis ;
  6. Adresser chaque année au Conseil, avant la discussion du budget communal, un rapport sommaire, tant sur les résultats obtenus que sur ceux à désirer.

Le 26 juillet 1861, le Conseil communal adopte un projet de règlement transmis par le gouvernement pour la réorganisation de l'école.

C’est pendant les années 1840-1850 que l’école est fréquentée par un élève qui deviendra célèbre par son invention : Zénobe Gramme.

Zénobe Gramme

Portrait de Zénobe gramme
Zénobe Gramme

L'homme

Zénobe Théophile Gramme est né le 4 avril 1826 à Jehay-Bodegnée (Amay), il est le sixième enfant de Mathieu Joseph Gramme, receveur des contributions délégué aux houillères d’Antheit et de Catherine Seron. Dès son plus jeune âge, Zénobe marque sa préférence pour le travail manuel. Ainsi, en 1835, âgé de cinq ans, il met au point, pour sa cage à lapins, un loquet à secret. « Si l’œuvre de Gramme, créée de toutes pièces dans l’intimité de sa méditation, est assez grandiose pour que l’humanité la considère comme une de ses plus utiles conquêtes — son cœur, qui est resté attaché à sa petite Patrie, doit lui valoir de notre part un souvenir fervent et impérissable. » L’invention de Zénobe Gramme, la dynamo, est d’une telle importance pour l’économie, pour l’industrie, qu’il faut un certain temps aux scientifiques et aux techniciens pour l’apprécier à sa juste valeur et en mesurer la multiplicité de ses applications. Enfin reconnu, il recevra de nombreuses distinctions.

Distinctions

On peut se borner à citer les suivantes :

  • 1872. Médaille d’or à l’Exposition de Lyon.
  • 1873. Médaille du progrès à l’Exposition de Vienne.
  • 1874. Prix de 3000 F à la Société d’encouragement.
  • 1875. Médaille d’or à l’Exposition de Saint-Pétersbourg.
  • 1876. Médaille avec un diplôme signé par sir William Thompson, à l’Exposition de Philadelphie.
  • 1877. Croix de la Légion d’honneur.
  • 1878. Grand prix à l’Exposition de Paris.
  • 1880. Récompense nationale de 20 000 F, offerte par le Gouvernement français.
  • 1881. Diplôme d’honneur à l’Exposition d’électricité
  • 1882. Croix de chevalier de l’Ordre de Léopold.
  • 1883. Croix de chevalier de la Couronne de fer d’Autriche.
  • 1888. Prix Voila de 50 000 F, Croix d’officier de la Légion d’Honneur.
  • 1889. Croix d’officier de l’Ordre de Léopold.
  • 1890. Grande médaille de la Société d’encouragement, à l’effigie d’Ampère

En 1897, lors de l’Exposition universelle de Bruxelles, et suivant le vœu émis à l’unanimité par les membres du jury de l’électricité, Gramme est élevé au grade de commandeur de l’Ordre de Léopold.

Arrivé fin 1856 en France, c’est à Paris que Zénobe Gramme réalise la plupart de ses œuvres. Il y fonde la Société Gramme qu’il dirige jusqu’en 1894. « Mais, ce qui dépasse toute attente, Gramme était inconnu de l’immense majorité des spécialistes et des techniciens eux-mêmes. Un illustre savant étranger qui, en 1888, avait cherché vainement, à plusieurs reprises, l’occasion de le rencontrer, mettait spirituellement son existence en doute… » Il est vrai que Zénobe n’aime pas parler de lui. À Paris, il vit en banlieue, volontairement isolé, refusant de donner de lui plus que de vagues indications.

Ses proches

Portait d'Hortense Nysten
Hortense Nysten

Des nombreux enfants de Mathieu et Catherine Gramme, seuls Zénobe et quatre sœurs atteignent l’âge mur. Trois de ses sœurs font carrière dans l’enseignement officiel : l’une deviendra directrice d’école primaire à Huy, une autre de l’école moyenne et la troisième sera directrice à l’école normale d’Arlon.

Zénobe, lui, n’était pas pressé de se marier. Un jour, raconte Oscar Colson, il promit séparément à trois jeunes filles de les conduire à la foire de Montenaeken. Le jour venu, elles devaient « aller l’attendre » dans un cabaret à une même heure déterminée. L’histoire prétend qu’elles y vinrent toutes. On se doute de leur dépit quand elles se trouvèrent en présence, et, surtout quand elles virent que le beau Zénobe leur faisait défaut. Chacune eût sans doute fait des vœux pour que la mésaventure restât secrète. Il n’y fallait pas songer: elles étaient trois! Aussi leur colère s’ajouta-t-elle au dépit d’avoir été jouées.

En 1857, Zénobe épouse à Neuilly une couturière liégeoise : Hortense Nysten. Elle était restée veuve avec une fille : Héloïse Colette. Le ménage vécut dans une union parfaite. « Lorsque sa femme l’interrompait dans ses réflexions, il suffisait qu’il fît un geste: Dji tûse, Hortense ; elle se le tenait pour dit. Le mot, cependant, finit par passer en proverbe dans la famille : quand on constatait chez l’un ou chez l’autre un instant de distraction, on répétait par facétie: Dji tûse, Hortense ! »

Devenu veuf en janvier 1890, Zénobe Gramme se remarie le 17 septembre 1891 avec Marie Schentur, institutrice de sa nièce, de trente-six ans sa cadette.

La dynamo

Schéma de la Dynamo
Schéma de la Dynamo

En 1864, Zénobe quitte le métier du bois et entre au service de l’inventeur angérois Ernest Bazin qui avait fondé une société pour l’éclairage public des ardoisières. En 1868, de retour à Paris, il se met au travail. L’idée de la célèbre machine a muri dans son esprit. « Les faits dont il s’est servi existaient depuis longtemps à l’état de matériaux informes sans aucun rattachement apparent; il a su les assembler avec une force nouvelle, à laquelle nul n’avait songé avant lui. » En 1869, elle est enfin au point, il lui reste à en déposer le brevet. Pour le financer, il fera appel à son ami de toujours, Antoine Breguet. Celui-ci n’y croit pas, mais lui laisse 100 F…

Gramme ne s’arrête pas à cette seule invention ; en 1871, il étudie la question du dépôt métallique et prépare une machine destinée à la galvanoplastie.

En 1872, il accepte une commande de MM. Christoffle et Cie : « Construire une machine marchant à une vitesse de 300 tours par minute et déposant 600 g d’argent à l’heure sur une surface de 350 dm2, dans quatre bains en dérivation ». La commande est faite le 1er mai 1872. Trois mois après, le 2 août, la machine, calculée, dessinée et exécutée par l’inventeur, est installée dans l’usine Christoffle, satisfaisant à toutes les données du problème. Ce fut un véritable triomphe : « Un ingénieur électricien ne ferait pas mieux aujourd’hui.  »

Zénobe Gramme participera ainsi à la construction de nombreuses machines pour la tannerie, la teinturerie, la parfumerie…

1861-1887-L’ECOLE INDUSTRIELLE DE HUY Sous la Direction de Guillaume Smiets

1861

Texte alternatif
Légende

Le 7 septembre 1861, Le Conseil communal nomme à l’école industrielle : MM. Smiets Guillaume, comme professeur de géométrie et de mécanique ; Servais Jean, comme professeur de mathématiques inférieures ; Poumay Jean, comme professeur du cours supérieur de langue française, d’histoire et de géographie ; Maas Prosper, professeur du cours inférieur de langue française, d’histoire et de géographie ; Louis Alphonse, premier instituteur de la section préparatoire ; Thomas Lambert, second instituteur de la section préparatoire. La direction est confiée à M. Guillaume Smiets, déjà chargé d’y donner les cours de géométrie et de mécanique. Sous l’intelligente et dévouée direction de ce professeur distingué, le cadre de notre établissement industriel s’élargit progressivement, et l’établissement atteint bientôt un haut degré de prospérité. Le 19 juin 1863, le Conseil communal réorganise et complète le cours de dessin pour répondre au vœu exprimé par le Conseil de perfectionnement de l’enseignement des arts et du dessin. Ce cours est suivi par cent vingt élèves inscrits en même temps aux autres cours.

1865

En 1865, lors de l’inauguration des bâtiments scolaires de la rue du Palais de justice, tous les services de l’école industrielle sont installés dans les locaux de l’athénée. L’école peut ainsi disposer de cinq grandes salles très bien aménagées, d’un vaste préau, d’un laboratoire de chimie, d’un cabinet de physique et d’une magnifiques salle de dessin, le tout pourvu de collections, scientifiques et autres, qui s’enrichissent d’année en année. Cent quatre-vingt-deux élèves la fréquentent. Un cours d’économie industrielle vient compléter le programme à partir du 4e trimestre de l’année 1868. A la fin de l’année scolaire 1867-1868, quatre élèves obtiennent le certificat de capacité parmi lesquels Joseph Berlo, mort en 1935. Président fondateur du Cercle royal des anciens élèves de l’Ecole Industrielle. De 1886 jusqu’à sa mort, il représente la Province au sein de la Commission administrative avec dévouement et compétence. L’Administration communale fait inscrire à la Caisse d’épargne en faveur de ces quatre élèves une somme de cinquante francs en guise de récompense.

1867

Le 8 mars 1867, la Commission des hospices civils établit à l’Orphelinat Charles et Léopold une école d’adultes pour prendre en charge les orphelins à leur sortie de l’école primaire jusqu'à ce qu’ils quittent l’établissement. L'orphelinat de Huy.jpg

1875

Le 14 janvier 1875, un incendie détruit les locaux de la Ville. La section préparatoire est évacuée vers le local de l’ancien tribunal, rue Vankeerberghen. La section industrielle retrouve provisoirement ses anciens locaux dans l’église Saint-Germain. Les travaux de reconstruction sont menés rapidement. Dès la rentrée suivante, l’école reprend possession de ses locaux réaménagés.

1876

En 1876, la décision du Conseil communal de 1868 d’établir des Caisses d’épargne dans les écoles primaires de la ville et à l’école industrielle est appliquée. Chaque semaine, les élèves apportent en classe de la menue monnaie à verser sur le livret d’épargne. Ces versements sont aussi l’occasion de souligner les bienfaits de l’épargne et de la bonne gestion de son argent. Les trois quarts des élèves pratiquent ainsi l’épargne ; les deux tiers sont dépositaires d’un carnet. L’inscription d’une somme de 50 F à la Caisse d’épargne est depuis 1868 accordée aux lauréats de l’école industrielle. En 1878, un rapport de l’inspection signale au Ministre de l’Intérieur cette initiative originale – la première de ce genre en Belgique – Il l’apprécie en ces termes : « Donner à l’ouvrier les moyens de développer ses facultés afin de lui permettre de tirer plus de profit de son travail, c’est déjà faire œuvre utile, mais lui inspirer en même temps par une noble émulation les idées d’ordre et d’économie c’est compléter son éducation morale » Il exprime ensuite le désir que cet exemple, on ne peut plus louable, soit repris par les administrations communales qui disposent d’établissements similaires. Outre cet élément particulièrement apprécié de l’Inspection, le rapport de Monsieur l’Inspecteur Rombaut présente l’établissement mieux que nous ne saurions le faire. Nous ne nous refusons pas le plaisir de le reproduire in extenso :

1878

RAPPORT DE MONSIEUR L’INSPECTEUR ROMBAUT. ECOLE INDUSTRIELLE DE HUY. FONDATION - BUT.- L’école industrielle de Huy a été fondée en 1838, par les soins du Collège échevinal, qui affectera généreusement son traitement aux frais de l’institution. Après quelques années, l’administration locale jugeant que l’école répondait à un besoin réel, l’organisa sur des bases stables, en mettant à la charge du budget communal les dépenses qu’elle nécessitait. De son côté, le conseil provincial reconnaissant que l’institution présentait un caractère d’utilité provinciale lui alloua un Ier subside de 750 frs qui fut ensuite porté à I.000 frs annuellement. Enfin, en 1853, un subside de I.000 frs fut accordé sur les fonds de l’état. Les choses restèrent en cet état jusqu’en 1861, époque à laquelle l’école fut organisée sur de nouvelles bases afin que le concours de l’état pût lui être assuré dans une plus large mesure et d’une manière permanente. Cette réforme avait particulièrement en vue d’élargir le cadre de l’enseignement industriel, d’augmenter la somme des avantages qu’en retireraient les ouvriers et d’assurer le contrôle du Gouvernement. Le Conseil communal adopta dans sa séance du 24 juillet 1861 un nouveau règlement organique qui fut approuvé le 12 avril suivant par le Ministre de l’Intérieur. Huy se trouve resserré entre des collines très élevées, sa population n’est que de II.000 habitants, mais une grande partie de cette population s’occupe de travaux industriels. On y remarque notamment les papeteries Godin, des ateliers de construction, des fabriques de plomb, etc… De plus, le rapprochement des villages, où des usines importantes sont érigées, et qui envoient à l’école de Huy de nombreux élèves, témoignent du bon emplacement de l’école dans ce district industriel. LOCAUX.- Les cours se donnent dans des locaux de l’école primaire gratuite. Le personnel de l’école dispose de quatre grandes et belles salles, d’un laboratoire, d’une salle de dessin. Quant aux réduits, où on a été obligé de réfugier les collections d’objets de physique et de chimie, ils laissent énormément à désirer ; il est vrai de dire que cet état de chose n’est que provisoire, et que la direction n’attend que l’achèvement des bâtiments devant servir à l’école normale et au Collège de la ville, pour y installer convenablement ces collections. Dès ce moment aussi les cours de physique et de chimie se donneront dans les nouveaux locaux, afin de n’avoir pas à transporter les modèles et de ne pas faire perdre de temps aux élèves qui se rendent aux cours du soir. L’aménagement de tout l’intérieur du local actuel est fort bon. Les bancs, les pupitres, l’exposition des objets de mécanique et des modèles en plâtre, tout cela est bien entretenu et ne laisse rien à désirer. La salle de dessin sera pourvue sous peu de l’éclairage au gaz et ce sera un progrès notable, car la lumière laisse à désirer ; la salle est grande et l’entretien des lampes à huile de pétrole exige un long travail et présente même un certain danger. Cette salle fort vaste renferme toute les sections des élèves dessinateurs. Ceux de Ière année dessinent à main levée à la planche noire. Ceux de seconde et de troisième année sont placés sur des bancs en gradins et chacun de sa place, peut parfaitement observer le modèle placé sur un trépied. Enfin, ceux de dernière année dessinent sur des tables horizontales qui occupent le centre de la salle. Dans un des coins de la salle se trouve une grande armoire dans laquelle sont placés tous les modèles gravés. Toutes les classes sont bien tenues, surtout si l’on considère qu’elles sont utilisées le jour par de petits élèves qui suivent les cours gratuits de l’école primaire. L’école est subsidiée par la Commune, la Province et l’Etat. L’enseignement est gratuit, mais les élèves ont à se pourvoir de tout ce dont ils ont besoin. ENSEIGNEMENT.- L’enseignement comprend : la langue française, l’histoire, la géographie, les mathématiques élémentaires dans leurs applications, à l’industrie, la géométrie élémentaire, les notions de physique élémentaire, de mécanique et de chimie industrielle, le dessin linéaire, le dessin appliqué à l’industrie et les constructions. La durée de l’enseignement est de trois ans. En outre, une école préparatoire à l’école industrielle est établie par les soins de l’administration communale. On y enseigne : la grammaire française, l’arithmétique et le système métrique. La durée de cet enseignement est d’une année. Par l’examen de chacune des parties de ce programme, nous avons pu nous convaincre qu’il a été bien étudié. La division du programme suit une marche ascendante et rationnelle. Mr Smiets, le Directeur de l’école industrielle, a bien compris qu’elle sorte d’enseignement à la fois élémentaire et pratique, et fondé sur des faits, il fallait offrir aux artisans. Ce programme est simple et limité à ce qui est utile à l’ouvrier. L’enseignement du dessin seul en dernière année laisse à désirer. Le professeur fait dessiner trop d’après les modèles gravés, et il serait à souhaiter que les élèves artisan fût plus initié au dessin du croquis. En effet, cette dernière année est presque exclusivement consacrée au dessin du lavis, alors que dans cette région industrielle il serait incontestablement plus intéressant d’apprendre aux élèves le dessin industriel, c'est-à-dire le dessin du relief. Il relèverait d’autant plus vite les pièces détachées des machines qu’il consacre les deux ou trois premières années à l’étude du dessin à main levée, au dessin du relief des figures géométriques, au dessin de l’ornement. A différentes reprises, nous avons déjà eu l’occasion de le dire, nous ne nous opposons pas à ce que l’élève fasse un beau dessin et même un lavis, mais que ces dessins soient son œuvre, qu’il dessine d’abord d’après nature et puis qu’il rapporte le croquis pris et coté par lui-même au tire ligne et au compas à une échelle que le professeur lui indiquera. De cette manière, le but atteint sera double, tandis qu’avec la méthode actuelle il est limité à la simple copie des images. L’année scolaire commence le deuxième mardi d’octobre. Les cours ont lieu : pendant le semestre d’hiver, les jours ouvrables de 7 à 9 heures du soir et le dimanche de 8 à 10 heures du matin, et pendant le semestre d’été, les jours ouvrables de 8 à 9 heures du soir et le dimanche de 7 à 9 heures du matin. ELEVES.- Nul ne peut être admis comme élève de l’école industrielle, s’il n’est âgé de I4 ans au moins et s’il n’a suivi avec fruit un cours complet d’école primaire. La section préparatoire est destinée aux jeunes gens qui après avoir terminé leurs études à l’école primaire, ne sont pas encore en état de suivre avec fruit les cours de l’école industrielle. Les élèves, pour y être admis, doivent avoir au moins I2 ans. Les élèves sont divisés en élèves réguliers suivant tous les cours et élèves irréguliers ne suivant que certains cours ; enfin il existe une section spéciale de dessin. Pour y être admis, il faut que les élèves aient I2 ans au moins. La population totale de l’école a été au commencement de l’année de I60 élèves et actuellement elle est de I4I élèves. Les élèves libres sont au nombre de 44. Les élèves dessinateurs sont au nombre de 43