40 ans de CPAS
40ème anniversaire des CPAS
Les CPAS d’Amay, Huy, Modave, Villers-le-Bouillet et Wanze ont invité leurs partenaires et la population à la célébration du 40ème anniversaire de la loi organique du 8 juillet 1976 le 11 octobre 2016 au Centre Culturel de Huy.
En présence du Ministre régional Christophe Lacroix, le Bourgmestre de Huy a ouvert l'après-midi qui débuta par une représentation de la pièce de théâtre – action « Je suis pauvre, et alors ? » par le collectif « Les grains de sel », un atelier de la Compagnie Buissonnière, mis en scène par Bruno Hesbois. Le spectacle fut suivi d’un débat avec le public, animé par les acteurs de la pièce.
Introduite par un billet du Comité organisateur de l’évènement, une table ronde fut proposée sur le thème : CPAS, 40 ans…et demain ? Débat animé par Hervé Persain, du Centre culturel de HUY, avec la participation de :
Christine Mahy, Présidente du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté
Bernard Taymans, Président de la Fédération wallonne des assistants sociaux de CPAS.
Laurent Grava, Président de la Fédération wallonne des Directeurs généraux de CPAS.
Luc Vandormael, Président de la Fédération des CPAS -UVCW
Le Président de la Fédération wallonne des assistants sociaux de CPAS : l' actualité est préoccupante pour le travail social.
Outre la disparition annoncée, puis mise en veilleuse, de l’institution CPAS même, la modification de la loi de 2002 introduisant la généralisation du PIIS accompagné ou non d’un service communautaire, la numérisation effrénée des données sociales au travers du rapport social électronique ou de la récente mise à disposition de l’application Match-it aux CPAS qui disposent d’ILA, et l’acharnement de certains à limiter le secret professionnel, alimentent l’inquiétude des travailleurs sociaux (et pas seulement).
Bon anniversaire … les CPAS !
Il soulignait déjà à l’occasion du 7ème Congrès, en 2013, « Travail social performant au service de la dignité humaine en CPAS : paradoxe entre les tendances managériales et la dignité humaine », le basculement du métier vers plus de contrôle, le credo du moment étant la lutte contre la fraude sociale qui, pour légitime qu’elle soit, fonde pour partie la volonté de limiter le secret professionnel.
Le Conseil d’Etat dans son avis (négatif) du 24 juin 2016 sur la proposition de loi visant à modifier la loi organique en vue de promouvoir la lutte contre les infractions terroristes a rappelé à propos la raison d’être du secret professionnel :
« Il est à cet égard rappelé que le secret professionnel peut être réputé protéger deux intérêts. Tout d’abord, l’intérêt et le droit à la protection de la vie privée de la personne qui communique ces éléments en toute confiance à la personne dont l’assistance est demandée et, ensuite, l’intérêt de la société à pouvoir faire confiance à des professionnels exerçant une fonction de confiance. »
Un groupe de travail a été constitué au sein de la FéWASC qui se consacre à la question du secret professionnel en CPAS. Une brochure à été réalisée et sera disponible d’ici la fin de l’année.
Bernard Taymans rappela aussi l’existence du Comité de Vigilance en Travail social (CVTS) avec lequel les CPAS collaborent depuis plusieurs années.
L’informatisation accrue du travail social qu'il distingue de celle de l’ensemble du CPAS est l’instrument des politiques sociales.
Il souligna l’opacité qui entoure l’élaboration de ces outils et les décisions qui s’y rapportent. Il ne s’agit pas seulement de questions techniques. Les seules simplification administrative et automatisation des droits ne suffisent pas à les légitimer. L’attention portée à ces questions paraît insuffisante et nous devrions nous y intéresser de plus près.
Il en vient ensuite à la loi du 21 juillet 2016 modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale que l’on qualifie déjà communément de généralisation du PIIS.
La généralisation du PIIS est une nouvelle étape d’un dispositif inauguré en 1993 par le « Programme d’urgence pour une Société plus solidaire ». La loi du 12 janvier 1993 consacrait l’obligation pour les bénéficiaires de moins de 25 ans de conclure un projet individualisé d’intégration sociale pour obtenir le bénéfice du minimum de moyens d’existence (minimex). Le Législateur a suivi la recommandation du Conseil supérieur de l’Aide sociale (qui ne connut qu’une existence éphémère et fut remplacée tardivement par la Commission consultative fédérale de l’Aide sociale qui ne se réunit plus) qui précisait par ailleurs que le minimex ne doit pas constituer pour les jeunes de moins de 25 ans une possibilité d’être assistés toute leur vie mais être un levier d’insertion dans la société. Il doit leur permettre de sortir de la pauvreté et non de s’y installer.
Notons que la loi prévoyait également la possibilité de conclure un PIIS pour les bénéficiaires de plus de 25 ans qui prouvait leur disposition au travail.
La loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale remplace la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d’existence jugée obsolète. Elle suscita à l’époque beaucoup d’hostilité alors que les changements étaient mineurs.
Sur le plan idéologique par contre, la loi de 2002 est l’affirmation de l’Etat social actif. Johan Vande Lanotte, dans son introduction de la brochure d’information du Gouvernement fédéral, annonce les ambitions de la réforme :
« Certes, la participation à la vie sociale peut prendre différentes formes mais l’accession à un emploi rémunéré reste l’une des manières les plus sûres d’acquérir son autonomie. Une politique sociale active doit réduire la fracture grandissante entre la population active et la population vivant d’une allocation financière ».
Depuis près de quinze ans donc, la mission prioritaire confiée par l’Etat fédéral aux CPAS est l’activation socioprofessionnelle (occasion de rappeler que les missions obligatoires du CPAS, et donc de ses travailleurs sociaux, lui sont confiées par la Loi).
Il n’est plus nécessaire de démontrer les efforts consentis et les compétences acquises par les CPAS dans le domaine de l’insertion socioprofessionnelle.
Le 22 septembre dernier, la Fédération des CPAS de l’Union des Villes et Communes de Wallonie tenait ses Etats généraux de l’Insertion sur le thème de « La contractualisation au regard du PIIS ».
Le Professeur Abraham Franssen, Directeur du Centre d’Etudes sociologiques de l’Université Saint-Louis Bruxelles, lors de son exposé « Comment l’outil PIIS peut-il rester un outil de travail social » citant un travailleur social interrogé pour les besoins de l’étude commanditée par le SPP Intégration sociale : « Le PIIS, c’est un instrument. Comme une hache, cela permet de couper du bois ou de fendre un crâne », illustre parfaitement la diversité des pratiques.
Il attribue cette diversité à «l’autonomie constitutive de chacun des 589 CPAS du pays qui leur permet de faire usage en des sens très différents des marges d’appréciation que leur octroie le texte légal »(article 59 de la loi du 8 juillet 1976 organique des Centres publics d’Action sociale).
Et « qu’en fin de compte, les postures professionnelles des assistants sociaux, leur degré d’empathie ou de défiance à l’égard des usagers, leur charge de travail déterminent les arts de faire ».
La circulaire relative à la loi du 21 juillet 2016 modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale, du 12 octobre 2016, reprend dans son introduction les termes de l’exposé des motifs de la loi : « L’idée de contractualisation de l’aide par le biais du PIIS est conforme à la méthode d’aide centrée sur la tâche dans le travail social. Le PIIS permet d’accompagner activement l’intéressé vers l’indépendance, l’autonomie et l’intégration sociale et, si possible aussi, dans le sens d’une insertion dans un parcours vers l’emploi. Il est donc important d’investir dans une politique permettant à l’intéressé de s’intégrer durablement dans la société et de retrouver le chemin de l’emploi ».
Quelqu’un connait-il la « méthode d’aide centrée sur la tâche dans le travail social » ?
Pour en savoir plus, il faut s’en référer à l’introduction de l’étude commanditée par le SPP Intégration sociale : il s’agit d’une «approche ciblée sur des missions en matière d’action sociale (task centered work). Au début des années 80, le modèle de travail ciblé sur les missions est une approche de résolution de problèmes qui s’applique aux individus, aux familles et aux groupes. Il aide les clients à mettre des mots sur leur problème et à définir une stratégie à partir de leur propre situation concrète. La capacité du client à résoudre ses problèmes est au cœur de modèle. Au moment où débute l’assistance, on rédige un contrat d’assistance qui décrit le problème, les objectifs et les moyens (Reid, 1997). La puissance du modèle ciblé sur les missions réside dans ses principales caractéristiques : il place les travailleurs sociaux et leurs clients sur un pied d’égalité, car il part de la définition du problème du client pour poursuivre un nombre limité d’objectifs qui sont importants pour celui-ci ; il formule un consensus au sujet des objectifs poursuivis, des moyens et des étapes de résolution active des problèmes ; il fournit un cadre pour la planification et la mise en œuvre, et exige une évaluation régulière dans les limites d’une période bien définie (Rzepnicki, Mc Cracken & Briggs, 2012) ».
L’étude dans son introduction relève aussi que « du côté francophone, la période 2000-2010 a été dominée par la critique des politiques d’activation et que l’introduction de ces approches du travail social, autour des notions d’empowerment, de développement du pouvoir d’agir et de « capabilities » est plus récent ».
Qu’est-ce que le pouvoir d’agir ?
C’est la possibilité concrète pour des personnes ou des collectivités d’exercer un plus grand contrôle (c’est–à–dire la capacité à influencer ou réguler les éléments significatifs de notre vie quotidienne) sur ce qui est important pour elles, leurs proches ou la collectivité à laquelle ils s’identifient.
Du point de vue de l’approche du développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités (DPA), les problèmes sociaux sont d’abord de nature structurelle et ce n’est que dans la manière dont les personnes composent avec ces difficultés que les différences individuelles jouent un rôle significatif.
Il y a un lien direct entre la manière dont nous choisissons de répartir les ressources dont nous disposons (richesses naturelles, niveau de développement, etc.) et les difficultés que rencontrent les personnes les moins privilégiées. De ce fait, l’injonction qui consiste à demander à ces personnes de « s’adapter » à leur situation revient, ni plus ni moins, qu’à valider le mode actuel de partage de la richesse collective.
Autrement dit, tout l’effort de changement est considéré comme étant de la responsabilité des personnes accompagnées (Soutenir sans prescrire, Yann Le Bossé, Editions ARDIS www.ardiscanada.ca, Québec 2016).
Christine MAHY, Secrétaire générale du Réseau wallon de Lutte contre la Pauvreté, qualifiait les personnes s’adressant aux CPAS de « passagers » : soutenir le DPA consiste à faciliter le passage à l’action à propos de ce qui est important pour la personne, ses proches et la collectivité à laquelle elle s’identifie.
Dans l’approche DPA, l’intervenant plutôt que sauveur, policier ou militant, endosse la position d’un «passeur » dont l’objectif est simplement de contribuer à faciliter le franchissement d’un passage délicat pour les personnes accompagnées.
La Fédération des CPAS de l’Union des Villes et Communes de Wallonie soutient l’approche du Développement du Pouvoir d’Agir des Personnes et des Collectivités et Bernard Taymans encourage l'assemblée à participer aux formations qu’elle propose.
La loi du 21 juillet 2016 prévoit la possibilité d’un service communautaire, outre la multitude d’effets pervers possibles cette faculté laisse entrevoir, comme le suggère Edouard Delruelle, la fin de la société salariale.
En effet cette « idée » ouvre la voie vers un travail sans emploi et d’autres revenus que celui que procure un salaire. Mais cela ouvre un autre débat …