40 ans de CPAS

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Révision de 16 décembre 2016 à 13:32 par Hpersain (discuter | contributions) (texte de Luc Vandormael)

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40ème anniversaire des CPAS

Les CPAS d’Amay, Huy, Modave, Villers-le-Bouillet et Wanze ont invité leurs partenaires et la population à la célébration du 40ème anniversaire de la loi organique du 8 juillet 1976 le 11 octobre 2016 au Centre Culturel de Huy.

Le Bourgmestre de Huy Christophe Collignon a ouvert l'après-midi qui débuta par une représentation de la pièce de théâtre – action «  Je suis pauvre, et alors ?  » par le collectif « Les grains de sel », un atelier de la Compagnie Buissonnière, mis en scène par Bruno Hesbois. Le spectacle fut suivi d’un débat avec le public, animé par les acteurs de la pièce. Introduite par un billet du Comité organisateur de l’évènement, une table ronde fut proposée sur le thème : CPAS, 40 ans…et demain ? Débat animé par Hervé Persain, du Centre culturel de HUY, avec la participation de :

Christine Mahy, Présidente du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté
Bernard Taymans, Président de la Fédération wallonne des assistants sociaux de CPAS.
Laurent Grava, Président de la Fédération wallonne des Directeurs généraux de CPAS.
Luc Vandormael, Président de la Fédération des CPAS-UVCW

Maritza Ivanovic, Directrice Générale du CPAS de Wanze : Les motivations de la manifestation

Au nom du comité organisateur, Maritza Ivanovic, Directrice Générale du CPAS de Wanze, accueille l'assistance pour la 2ème partie de l'après-midi, et en premier lieu elle salue les personnes qui se sont investies dans cette organisation, à savoir ses collègues Directrices Générales et des collaborateurs qu’elles ont pu mobiliser, ainsi que les petits « grains de sel  wanzois  » et le CCAH pour leur précieuse collaboration… Elle souligne le soutien de la Wallonie, représentée par le Ministre Lacroix qui rehausse de sa présence cette journée…

En guise d’introduction à la table ronde, elle souhaite expliquer les motivations qui ont sous-tendu l’organisation de la manifestation. Il paraissait important de mettre en valeur les liens qui existent entre de nombreux CPAS de l’arrondissement (pas seulement les
cinq qui se sont mobilisés cette fois), liens qui se sont tissés à la faveur de partenariats développés depuis des années et dont certains concernent d’ailleurs aussi d’autres services publics et organisations du secteur associatif…

Confrontés à des problématiques sociales de plus en plus complexes, il est apparu que pour y répondre avec des moyens adéquats et le recul nécessaire, il fallait parfois sortir de nos communes, la supralocalité s’avérant constituer un niveau plus pertinent de réflexion et d’action — et c’est en tout cas la leçon que les travailleurs sociaux retirent des expériences de collaborations réussies qui ont notamment abouti à la mise en place de plusieurs associations et services spécialisés, comme par exemple l’équipe SOS enfants, plusieurs services de médiation de dettes, le Protocole de collaboration aide à la jeunesse /CPAS qui mobilise de très nombreux CPAS et services agréés d’aide à la jeunesse en vue de la construction de relais plus cohérents entre les 2 secteurs, au bénéfice évident des jeunes et des familles concernés.

Outre la valorisation de ces bonnes pratiques de collaboration supralocale et intersectorielle, l’objectif du comité organisateur était de profiter de cet anniversaire pour donner un coup de projecteur aux CPAS, institutions encore très souvent méconnues, qui souffrent toujours d’un « déficit d’image » et qui pourtant réalisent un travail immense pour un nombre élevé de citoyens. En effet, chargés depuis 1976 de l’ambitieuse mission d’assurer à « toute personne l’aide sociale due par la collectivité dans le but de permettre à chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine », les CPAS auxquels le législateur a également confié la mise en œuvre du DIS, ont connu 40 années qui n’étaient pas de tout repos : leurs missions obligatoires ont en effet été déclinées en une multitude de dispositifs d’aide et de guidance spécialisées, en même temps que le nombre de personnes orientées vers leurs services n’a cessé de croître…

Mais au-delà de l’institution CPAS, ce sont les humains qui la constituent que les organisateurs ont voulu mettre à l’honneur dans le cadre de cet anniversaire et donc il a fallu trouver une formule qui pouvait rassembler les 3 acteurs principaux du CPAS, à savoir les décideurs politiques — ceux sans qui rien ne serait possible — les très nombreux travailleurs de l’action sociale — les travailleurs sociaux mais aussi les administratifs et les agents techniques — ceux qui au quotidien donnent vie à cette « institution de la dignité », et enfin les acteurs qui doivent rester au centre des préoccupations : les usagers ou, pour employer une expression plus jolie proposée par un président : les passagers du CPAS… La pièce de théâtre de Bruno Hesbois et de la compagnie buissonière mit d’emblée le focus sur les usagers du CPAS, questionnant les stéréotypes négatifs (eux aussi souffrent souvent d’un déficit d’image !) qui sont véhiculés à leur égard. Le propos se focalise pour une fois non pas sur leurs manques mais sur leurs talents !

Mettre à l’honneur le CPAS en réunissant tous les acteurs « de talent » qui le constituent et l’entourent : voilà un projet motivant et qui est apparu d’autant plus opportun que le climat dans lequel s’inscrit ce 40ème anniversaire est, on le sait, peu rassurant : alors sans jouer les lanceurs d’alerte, il a semblé qu’il convenait aussi d’en parler et de nommer les inquiétudes qui pèsent sur le secteur. Ces inquiétudes sont tout d’abord liées à l’accroissement continu des demandes d’aide et des personnes orientées vers les services du CPAS. Contrairement aux visions optimistes que l’on pouvait encore avoir lorsque les CPAS ont été institués en 1976, la pauvreté a resurgi en masse au cœur même de nos sociétés occidentales, pourtant riches et développées — on parle aujourd’hui en Belgique d’une personne sur six (un enfant sur cinq) qui vivrait sous le seuil de pauvreté — et au fil du temps cette pauvreté a même pris de nouvelles formes : personnes exclues du travail mais aussi — et de plus en plus souvent — du chômage ; travailleurs pauvres ; personnes surendettées, ou qui ne peuvent faire face à certaines dépenses de base comme l’énergie ou l’eau ; jeunes qui peinent à se trouver des perspectives d’avenir ; arrivée de réfugiés politiques, économiques et bientôt climatiques…

Face à cette multitude de problématiques et de personnes en détresse, les CPAS ne savent plus où donner de la tête : ils ont un cadre d’intervention efficace, certes, et de grandes facultés d’adaptation. Certes depuis des décennies ils s’efforcent — conformément aux injonctions qui leur sont adressées — de faire plus avec moins, mais la formule a des limites qui paraissent atteintes voire dépassées.

Il semble en effet évident que les CPAS ne sauraient indéfiniment pallier aux déficiences de toute une série d’instances qui n’assurent plus leur rôle en amont, et on ne peut que s’inquiéter de cette tendance récurrente de transfert vers le local de charges relevant de la sécurité sociale, tendance qui réduit dangereusement l’assise de solidarité collective nécessaire pour y faire face. Parmi d’autres sujets de préoccupation, relevons aussi la pression de plus en plus forte exercée sur les CPAS pour activer les usagers — pression dont le dernier avatar est la réforme de la loi sur le Droit à l’intégration sociale, qui impose la conclusion d ‘un projet individualisé d’intégration avec chaque bénéficiaire du revenu d’intégration. Outre le côté stigmatisant — tant d’ailleurs pour les usagers des CPAS que pour les CPAS eux-mêmes — de cette mesure, il semble qu’on peut en effet s’inquiéter des dérives possibles, et craindre que, dans un contexte de restrictions budgétaires, l’obligation n’aboutisse dans les faits non pas à stimuler l’intégration, mais bien à alimenter des processus d’exclusion (n’oublions pas que les CPAS sont le dernier filet de protection sociale) et/ou qu’elle mette un peu plus à mal une démarche d’aide qui se voudrait pourtant respectueuse des personnes, de leurs rythmes et de leurs choix.

Toujours dans le registre des inquiétudes qui sont présentes au sein des CPAS, Maritza Ivanovic évoque aussi les injonctions de plus en plus pressantes au contrôle et notamment à la lutte contre la fraude sociale – injonctions qui semblent parfois disproportionnées en regard des résultats pour le moins rassurants des études menées à ce sujet – ou encore les préoccupations sécuritaires qui ont émergé dans le contexte de la lutte anti-terroriste et qui servent de prétexte à la remise en cause du secret professionnel des travailleurs sociaux, fondement de la confiance nécessaire à toute relation d’aide !

Bref on assiste à une redéfinition progressive des missions et du cadre d’intervention du CPAS en fonction d’enjeux qui paraissent bien éloignés de l’esprit premier du droit à l’aide sociale et à la dignité humaine… Et comme si ce n’était pas suffisant, c’est l’institution de la dignité elle-même qui se voit en point de mire de certains projets de réforme qui, en vue de réaliser «  des économies d’échelle », envisagent d’encore accentuer les synergies entre Commune et CPAS, voire de fusionner les 2 institutions, fusion qui pourrait intervenir dès la prochaine législature communale.

Alors bien sûr personne dans les CPAS ne s’oppose aux économies –— ni d’ailleurs au changement, pour autant qu’il aille dans le sens d’une amélioration des pratiques et d’un meilleur service au public. Le problème c’est que les réformes envisagées ne paraissent pas aller dans ce sens.

Si le contexte de cet anniversaire n’est donc pas très rassurant, la démarche du comité organisateur se veut malgré tout résolument positive et tournée vers l’avenir. En effet, au-delà de l’ institution et des réformes qu’elle peut subir, les organisateurs pensent — et c’est en tous cas le pari qu'ils font — qu’il existe suffisamment de citoyens (et parmi eux beaucoup de passagers des CPAS), de professionnels de l’action sociale et de mandataires susceptibles de se mobiliser autour de l’enjeu important pour notre société démocratique que constitue le maintien, demain, d’une action sociale publique de qualité. C’est le sens de la charte des valeurs et principes fondamentaux des CPAS wallons promulguée au début de cette année, charte qu'elle invite à signer et à commenter sur les feuillets mis à disposition des participants.

C’est là le thème de réflexion et d’échanges proposé aux intervenants invités pour la table ronde…

Luc Vandormael, Président de la Fédération des CPAS-UVCW : quels CPAS dans 40 ans ?

Pour répondre à la question de savoir s’il existera encore des C.P.A.S. dans 40 ans, l’utopie m’amènerait à dire « non », espérant que la pauvreté soit définitivement éradiquée. Une analyse plus rationnelle du contexte actuel m’amène pourtant à considérer qu’il est plus que jamais nécessaire qu’ils subsistent… Pour paraphraser Gramsci, je dirais que l’ancien se meurt, que le nouveau tarde à naître et qu’entre les deux apparaissent les monstres. En effet, des choses monstrueuses s’épanouissent sous nos yeux et nous sommes quasi impuissants à arrêter les dégradations successives des conditions de vie des plus démunis, malgré un arsenal d’interventions successives. La question centrale est dès lors « comment sortir de ce « désenchantement » du travail social ? Examinons à présent les principaux dossiers qui font l’actualité des C.P.A.S. en cette année 2016.

1. Fusion commune – C.P.A.S. Les C.P.A.S. ont été créés en 1976 en tant que personnalité juridique indépendante de l’administration communale. Il s’agissait de développer une institution spécifique ayant pour mission d’assurer à chacun une vie conforme à la dignité humaine en dehors du seul concept d’indigence. Saluée à l’époque comme un progrès pour l’accès aux droits humains, l’autonomie des C.P.A.S. a pourtant été remise en question à plusieurs reprises par la suite. Les accords des Gouvernements fédéral et régional pour la présente législature ont failli leur porter un coup fatal. Le ministre fédéral de l’Intégration sociale souhaitait exécuter l’accord de Gouvernement et a soumis un projet au Conseil d’Etat. Celui-ci ayant rendu un avis négatif, le ministre a décidé d’abandonner le projet. C’est également la voie suivie par le ministre régional des Pouvoirs locaux quelques mois plus tôt, alors que la même volonté de fusion, sur base volontaire toutefois, figurait dans l’accord de Gouvernement. Cette option faisait suite à une vive opposition des C.P.A.S. et du secteur associatif. Les arguments que nous avons développés mettaient en exergue la nécessité de préserver la spécificité du métier et l’absence de démonstration de plus-value financière d’une telle mesure. Par contre, nous nous sommes engagés à intensifier les synergies avec la commune, entre C.P.A.S. et avec le secteur associatif.

Le dossier visant à instituer un Directeur général commun à l’Administration communale et au C.P.A.S. est ensuite venu sur la table. Le Conseil d’administration de L’Union des Villes et Communes de Wallonie et le Comité directeur de la Fédération des C.P.A.S. ont remis un avis commun négatif par rapport à ce projet. Le ministre s’étant engagé à suivre cet avis, il a déclaré qu’il abandonnait le projet.

Si ces différentes décisions résonnent comme une victoire pour les défenseurs de l’action sociale, rien ne garantit cependant que les velléités de mettre à mal notre institution ne resurgiront pas à l’aube de la prochaine législature.


2. Crise de l’asile

2.1. Phase d’accueil

Les C.P.A.S. sont un des acteurs de l’accueil des candidats réfugiés par le biais de leurs initiatives locales d’accueil.

44.760 demandeurs d’asile ont été accueillis en Belgique en 2015. D’emblée les C.P.A.S. se sont montrés solidaires et ont accompli un effort spontané en créant de nouvelles places en I.L.A. Ensuite est venue une injonction coercitive du Gouvernement assortie d’une ébauche de plan de répartition obligatoire. Cependant, vu la baisse de l’afflux de nouveaux demandeurs en 2016 (10.463 demandeurs à fin juillet), ce plan n’a pas été activé.

Mais, dans l’entretemps, les C.P.A.S. avaient accompli un nouvel effort en renforçant une nouvelle fois leur capacité d’accueil et en investissant pour ce faire. Or, à ce jour, certaines places I.L.A. restent inoccupées, alors qu’on nous annonce depuis des mois que des personnes vont être transférées des centres collectifs vers nos logements familiaux et individuels. Actuellement, 63 % de nos places sont occupées, ce qui signifie que de nombreux investissements ont été faits en pure perte. Ainsi dénonçons- nous l’effet yo-yo qu’on nous fait subir. Les C.P.A.S. ont été instrumentalisés.

Un nouveau modèle d’accueil vient d’être implémenté, fondé sur la notion d’I.L.A. de transit, vers lesquelles seraient envoyées prioritairement les personnes ayant un haut taux de régularisation potentielle.

2.2. Réfugiés reconnus

Ici, le C.P.A.S. est le premier opérateur, ayant pour mission d’octroyer le droit à l’intégration sociale, lequel est remboursé à 100 % pendant 5 ans. En outre, une subvention complémentaire de 10 % du montant du R.I. est assurée pour 2016 et 2017.

A notre estime, le plus gros problème qui va se poser à court terme est celui du logement, les délais de sortie de l’I.L.A. étant courts et strictement limités.

L’intégration sociale et professionnelle de ces personnes sera la tâche suivante à accomplir. Après la phase de parcours obligatoire, les C.P.A.S. auront à coopérer avec les opérateurs de formation et de mise à l’emploi. La ministre régionale a débloqué des fonds pour ce faire.


3. Extension du projet individualisé d’intégration sociale

Le ministre fédéral de l’Intégration sociale a instruit ce projet de modification de la loi de 2002 sur le D.I.S. conformément à l’accord de Gouvernement. Une enquête commandée par ses soins a montré que 60 % des C.P.A.S n’étaient pas favorables à une extension du P.I.I.S. obligatoire à tous les bénéficiaires (il l’était déjà pour le moins de 25 ans) et que 72 % étaient hostiles à l’instauration d’un service communautaire obligatoire. Malgré ces résultats, le ministre a décidé d’aller de l’avant. Relevons aussi que ces résultats montrent une certaine diversité de valeurs et de pratiques au sein des C.P.A.S., sachant de surcroît que certains voient le P.I.I.S. comme un outil d’accompagnement vers l’insertion mais d’autres comme un levier de sanctions.

Conscientes de cette diversité mais porteuses de l’avis d’une majorité de leurs membres, les Fédérations de C.P.A.S. du pays ont fait part de diverses inquiétudes sur le fond : - Cette diversité des valeurs et pratiques d’un C.P.A.S à l’autre pose question. Les demandeurs ne bénéficieront pas du même traitement en fonction des sensibilités politiques régionales et locales ; - Il s’agit d’une transposition de la logique d’activation chômage vers le dernier filet de protection. Dorénavant, il faut avoir un projet pour bénéficier d’un revenu minimum situé en-dessous du seuil de pauvreté ; - Que deviennent les personnes sanctionnées pour non-respect du P.I.I.S., sachant toutefois qu’une aide sociale minimale (sur fonds propres) doit leur être garantie en fonction de la loi organique des C.P.A.S. ? - La mesure intervient au moment où le nombre de nouveaux dossiers explose (transfert massif du système de la sécurité sociale vers le système subsidiaire d’aide sociale, particulièrement en Wallonie) ; - Comment vont faire les C.P.A.S. pour proposer un accompagnement de qualité alors que leurs finances sont dans le rouge et que les délais d’application sont très courts, la situation étant particulièrement critique dans les gros C.P.A.S. urbains ; - Le projet de loi impose un modèle standardisé pour tous alors que la loi organique de 1976 garantit le respect de méthodologies du travail social les plus appropriées ; - Le service communautaire est un sujet très controversé. Le ministre a obtenu du Gouvernement qu’il soit activé sur base volontaire mais la personne qui s’engage puis se rétracte est passible de sanctions. La référence au volontariat est donc très discutable et, par ailleurs, l’impact potentiel sur l’emploi rémunéré est source d’inquiétude ; - Comment développer des synergies avec le secteur associatif dans le cadre d’un tel contrat lorsque la libre adhésion de la personne au projet n’est pas garantie, le rapport de forces entre celle-ci et l’institution n’étant pas égalitaire ? - Et quelles contreparties positives les C.P.A.S. peuvent-ils garantir à la personne qui s’engage dans le projet alors que le contexte économique est ce qu’il est ?

Le projet étant à présent voté et d’application pour tous les nouveaux dossiers à partir du 1er novembre 2016 (avec un retour en arrière de 6 mois), les C.P.A.S. vont bénéficier d’une subvention équivalente à 10 % du R.I. par P.I.I.S. signé, et ce pendant 1 an renouvelable 1 voire 2 fois sur base d’un argumentaire. L’inspection vérifiera qu’il ne s’agit pas d’une simple formalité administrative mais qu’il y a bien un contenu substantiel et les C.P.A.S. qui ne respecteront pas la loi seront eux-mêmes sanctionnés. Pour l’heure, il s’agit d’une obligation de moyens mais rien ne garantit que nous ne serons pas soumis dans l’avenir à une obligation de résultats.

Quant au service communautaire, vu qu’il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation, certains C.P.A.S ont déjà décidé de ne pas l’activer…

Notons enfin qu’une partie (25 %) du fonds de participation et d’activation sociale réformé devra être affectée à des actions collectives intégrées dans le P.I.I.S.


4. Exclus du chômage

Le transfert massif d’allocataires sociaux vers les caisses communales a déjà été évoqué. On nous annonce quelque 150.000 bénéficiaires du D.I.S. en Belgique dans les prochains mois (ils étaient 6.000 lors de la création du « minimex » en 1974).

Le Gouvernement s’obstine à opérer une distinction entre les personnes sanctionnées d’une fin de droit aux allocations d’insertion et les exclus pour manque d’activation. Or, pour les C.P.A.S., les conséquences sont exactement les mêmes. Ainsi, le ministre s’est engagé à compenser le coût des fins de droit et autres mesures annexes décidées par le présent Gouvernement. Il est occupé à négocier une enveloppe de 20 millions d’euros pour cette année (soit 150 euros par dossier). Il s’est en outre engagé à défendre le principe d’une enveloppe structurelle à partir de 2017.

Rappelons que la principale revendication des Fédérations de C.P.A.S. reste d’obtenir un remboursement du droit à l’intégration sociale par l’Etat qui soit nettement supérieur. Une autre revendication porte sur une évolution vers l’individualisation des droits, sachant que nombre de cohabitants chômage ne peuvent bénéficier du même revenu lorsqu’ils émargent au C.P.A.S. Pour le surplus, ce maintien du statut de cohabitant génère des enquêtes à domicile chronophages et parfois inquisitrices.


5. Plans de cohésion sociale

J’évoquais plus haut les diverses initiatives visant à atténuer la préséance du C.P.A.S en matière d’action sociale publique locale. La mise en œuvre des plans de cohésion sociale communaux, héritiers des plans sociaux intégrés et des plans de prévention de proximité (quoique davantage orientés vers l’émancipation que vers la prévention), en est un exemple. Ce faisant, le Gouvernement wallon a institué un dispositif qui, à certains endroits, fait double emploi avec les coordinations sociales développées depuis quelque 30 ans par les C.P.A.S.

Un projet de nouveau décret, qui serait d’application en 2019, montre une volonté de recentrer l’action des P.C.S. sur les publics défavorisés pour en faire un outil intégré dans le plan wallon de lutte contre la pauvreté.

Un nouveau critère d’accès au droit de tirage fait particulièrement débat, à savoir l’exigence d’un taux de logement social minimal dans la commune.

Le projet de décret prévoit en outre la possibilité pour la commune de confier son P.C.S. au C.P.A.S., là où la Fédération des C.P.A.S. avait plaidé pour un glissement systémique de la compétence.


6. Secret professionnel

Le secret professionnel est une valeur cardinale du travail social.

Le ministre (ainsi qu’une proposition de loi de la N.V.A.) souhaite une nouvelle mesure légale levant le secret professionnel des travailleurs sociaux (et de l’ensemble du personnel comme des mandataires) pour les cas de radicalisme violent.

La position des Fédérations de C.P.A.S est la suivante : - Les C.P.A.S ne couvrent pas les terroristes, ils ne sont pas irresponsables comme le laissent accroire divers acteurs du dossier ; - La loi actuelle suffit (article 458 du code pénal qui prescrit que le secret professionnel doit être levé en vertu de l’état de nécessité) ; - Il faut mettre en oeuvre une meilleure information sur la loi et un meilleur encadrement des assistants sociaux au sein de l’institution ; - Il y a inégalité de traitement (les médecins et avocats ne sont pas concernés) ; - Malgré les dénégations du ministre, il y a un danger d’extension de la mesure à d’autres situations (fraude sociale). L’accord de gouvernement en fait d’ailleurs état ; - Nous voulons préserver la relation de confiance indispensable entre l’assistant social et la personne, sans quoi davantage de demandeurs potentiels risquent de ne plus vouloir recourir à l’aide du C.P.A.S.


- Conclusions

L’assemblée générale de la Fédération des C.P.A.S. a réaffirmé les valeurs fondatrices des C.P.A.S. à l’occasion de leur 40e anniversaire. Le droit à la dignité humaine en est la clé de voute. Certes, les C.P.A.S ne sont pas parfaits et il faut savoir entendre les critiques. La mission des C.P.A.S. est l’aide et, aujourd’hui, l’action sociale. Or, depuis quelques mois, on leur impose de plus en plus des missions de contrôle assorties de sanctions potentielles, et ces nouvelles missions sont mises en œuvre sans moyens correspondants.

Nous assistons à une nouvelle mutation du contrat social. L’évolution qui se passe sous nos yeux implique une responsabilisation accrue de l’individu au détriment de l’esprit de « dette sacrée de la société envers ses membres ». L’Etat Providence se meurt. Après les politiques « Reagan – Thatcher » des années ’80 (le moins d’Etat possible), l’Etat social actif nous a été présenté comme une troisième voie destinée à transformer les dépenses passives (indemnisation) en dépenses actives (insertion). Les C.P.A.S. ont d’abord accueilli cette évolution comme un moyen de sortir d’un rôle de simple « Mister cash » Cependant, chemin faisant, l’activation s’est profilée comme une machine, non pas à inclure, mais à exclure. Les C.P.A.S en sont aujourd’hui, avec les allocataires concernés, une des principales victimes, chargés d’accueillir tous les « bannis » de la sécurité sociale. Ceci est également le résultat de la montée d’un discours populiste. Pour d’aucuns, les personnes en état de besoin seraient des assistés irresponsables, des profiteurs, une charge, et de moins en moins des victimes de la société. Dans ce contexte, il ne s’agit plus de responsabilisation, mais de stigmatisation.

Le contrat social est en voie d’être rompu. L’avenir des C.P.A.S dépend alors sans doute de leur capacité à combattre cette stigmatisation, qui les touche au même titre que les publics qui s’adressent à eux. Car, si d’aucuns veulent « tuer » les C.P.A.S, c’est aussi et surtout parce qu’ils représentent pour eux les défenseurs des assistés. Rebondissons sur ce symbole idéologique controversé pour démontrer tout ce que nous apportons, non pas tant en termes de contrôle social, mais en matière de développement des ressources des personnes en quête de réponse à leurs besoins primaires, de reconnaissance, de sens à donner à leur existence, bref de qualité de vie (il n’y a pas que l’emploi pour la garantir !). Montrons aussi ce que nous apportons en matière de paix sociale et de cohésion sociale, indispensables au développement économique. Ce fut le socle du développement des sociétés modernes d’après-guerre ; il faut à présent adapter le modèle aux sociétés post-modernes imprégnées d’un désir d’individualisme irréversible à court terme. Commençons alors par nous faire reconnaître comme un des acteurs indispensables à un développement local durable. Nous ne pourrons le faire seuls et l’activation ne produira pas d’emploi ; c’est l’économie qui crée l’emploi. Et où est aujourd’hui la responsabilité citoyenne des entreprises ? Nous n’aurons pas raison tout seul. il nous faudra créer des alliances. Au travail !


Le Président de la Fédération wallonne des assistants sociaux de CPAS : l' actualité est préoccupante pour le travail social.

Outre la disparition annoncée, puis mise en veilleuse, de l’institution CPAS même, la modification de la loi de 2002 introduisant la généralisation du PIIS accompagné ou non d’un service communautaire, la numérisation effrénée des données sociales au travers du rapport social électronique ou de la récente mise à disposition de l’application Match-it aux CPAS qui disposent d’ILA, et l’acharnement de certains à limiter le secret professionnel, alimentent l’inquiétude des travailleurs sociaux (et pas seulement).

Bon anniversaire … les CPAS !

Il soulignait déjà à l’occasion du 7ème Congrès, en 2013, « Travail social performant au service de la dignité humaine en CPAS : paradoxe entre les tendances managériales et la dignité humaine », le basculement du métier vers plus de contrôle, le credo du moment étant la lutte contre la fraude sociale qui, pour légitime qu’elle soit, fonde pour partie la volonté de limiter le secret professionnel.

Le Conseil d’Etat dans son avis (négatif) du 24 juin 2016 sur la proposition de loi visant à modifier la loi organique en vue de promouvoir la lutte contre les infractions terroristes a rappelé à propos la raison d’être du secret professionnel :
« Il est à cet égard rappelé que le secret professionnel peut être réputé protéger deux intérêts. Tout d’abord, l’intérêt et le droit à la protection de la vie privée de la personne qui communique ces éléments en toute confiance à la personne dont l’assistance est demandée et, ensuite, l’intérêt de la société à pouvoir faire confiance à des professionnels exerçant une fonction de confiance. »

Un groupe de travail a été constitué au sein de la FéWASC qui se consacre à la question du secret professionnel en CPAS. Une brochure à été réalisée et sera disponible d’ici la fin de l’année.

Bernard Taymans rappela aussi l’existence du Comité de Vigilance en Travail social (CVTS) avec lequel les CPAS collaborent depuis plusieurs années.
L’informatisation accrue du travail social qu'il distingue de celle de l’ensemble du CPAS est l’instrument des politiques sociales.

Il souligna l’opacité qui entoure l’élaboration de ces outils et les décisions qui s’y rapportent. Il ne s’agit pas seulement de questions techniques. Les seules simplification administrative et automatisation des droits ne suffisent pas à les légitimer. L’attention portée à ces questions paraît insuffisante et nous devrions nous y intéresser de plus près.

Il en vient ensuite à la loi du 21 juillet 2016 modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale que l’on qualifie déjà communément de généralisation du PIIS.

La généralisation du PIIS est une nouvelle étape d’un dispositif inauguré en 1993 par le « Programme d’urgence pour une Société plus solidaire ». La loi du 12 janvier 1993 consacrait l’obligation pour les bénéficiaires de moins de 25 ans de conclure un projet individualisé d’intégration sociale pour obtenir le bénéfice du minimum de moyens d’existence (minimex). Le Législateur a suivi la recommandation du Conseil supérieur de l’Aide sociale (qui ne connut qu’une existence éphémère et fut remplacée tardivement par la Commission consultative fédérale de l’Aide sociale qui ne se réunit plus) qui précisait par ailleurs que le minimex ne doit pas constituer pour les jeunes de moins de 25 ans une possibilité d’être assistés toute leur vie mais être un levier d’insertion dans la société. Il doit leur permettre de sortir de la pauvreté et non de s’y installer.
Notons que la loi prévoyait également la possibilité de conclure un PIIS pour les bénéficiaires de plus de 25 ans qui prouvait leur disposition au travail.

La loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale remplace la loi du 7 août 1974 instituant le droit à un minimum de moyens d’existence jugée obsolète. Elle suscita à l’époque beaucoup d’hostilité alors que les changements étaient mineurs.

Sur le plan idéologique par contre, la loi de 2002 est l’affirmation de l’Etat social actif. Johan Vande Lanotte, dans son introduction de la brochure d’information du Gouvernement fédéral, annonce les ambitions de la réforme :

« Certes, la participation à la vie sociale peut prendre différentes formes mais l’accession à un emploi rémunéré reste l’une des manières les plus sûres d’acquérir son autonomie. Une politique sociale active doit réduire la fracture grandissante entre la population active et la population vivant d’une allocation financière ».

Depuis près de quinze ans donc, la mission prioritaire confiée par l’Etat fédéral aux CPAS est l’activation socioprofessionnelle (occasion de rappeler que les missions obligatoires du CPAS, et donc de ses travailleurs sociaux, lui sont confiées par la Loi).
Il n’est plus nécessaire de démontrer les efforts consentis et les compétences acquises par les CPAS dans le domaine de l’insertion socioprofessionnelle.

Le 22 septembre dernier, la Fédération des CPAS de l’Union des Villes et Communes de Wallonie tenait ses Etats généraux de l’Insertion sur le thème de « La contractualisation au regard du PIIS ». Le Professeur Abraham Franssen, Directeur du Centre d’Etudes sociologiques de l’Université Saint-Louis Bruxelles, lors de son exposé « Comment l’outil PIIS peut-il rester un outil de travail social » citant un travailleur social interrogé pour les besoins de l’étude commanditée par le SPP Intégration sociale : « Le PIIS, c’est un instrument. Comme une hache, cela permet de couper du bois ou de fendre un crâne », illustre parfaitement la diversité des pratiques.
Il attribue cette diversité à «l’autonomie constitutive de chacun des 589 CPAS du pays qui leur permet de faire usage en des sens très différents des marges d’appréciation que leur octroie le texte légal »(article 59 de la loi du 8 juillet 1976 organique des Centres publics d’Action sociale).
Et « qu’en fin de compte, les postures professionnelles des assistants sociaux, leur degré d’empathie ou de défiance à l’égard des usagers, leur charge de travail déterminent les arts de faire ».

La circulaire relative à la loi du 21 juillet 2016 modifiant la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale, du 12 octobre 2016, reprend dans son introduction les termes de l’exposé des motifs de la loi : « L’idée de contractualisation de l’aide par le biais du PIIS est conforme à la méthode d’aide centrée sur la tâche dans le travail social. Le PIIS permet d’accompagner activement l’intéressé vers l’indépendance, l’autonomie et l’intégration sociale et, si possible aussi, dans le sens d’une insertion dans un parcours vers l’emploi. Il est donc important d’investir dans une politique permettant à l’intéressé de s’intégrer durablement dans la société et de retrouver le chemin de l’emploi ».

Quelqu’un connait-il la « méthode d’aide centrée sur la tâche dans le travail social » ?
Pour en savoir plus, il faut s’en référer à l’introduction de l’étude commanditée par le SPP Intégration sociale : il s’agit d’une «approche ciblée sur des missions en matière d’action sociale (task centered work). Au début des années 80, le modèle de travail ciblé sur les missions est une approche de résolution de problèmes qui s’applique aux individus, aux familles et aux groupes. Il aide les clients à mettre des mots sur leur problème et à définir une stratégie à partir de leur propre situation concrète. La capacité du client à résoudre ses problèmes est au cœur de modèle. Au moment où débute l’assistance, on rédige un contrat d’assistance qui décrit le problème, les objectifs et les moyens (Reid, 1997). La puissance du modèle ciblé sur les missions réside dans ses principales caractéristiques : il place les travailleurs sociaux et leurs clients sur un pied d’égalité, car il part de la définition du problème du client pour poursuivre un nombre limité d’objectifs qui sont importants pour celui-ci ; il formule un consensus au sujet des objectifs poursuivis, des moyens et des étapes de résolution active des problèmes ; il fournit un cadre pour la planification et la mise en œuvre, et exige une évaluation régulière dans les limites d’une période bien définie (Rzepnicki, Mc Cracken & Briggs, 2012) ».

L’étude dans son introduction relève aussi que « du côté francophone, la période 2000-2010 a été dominée par la critique des politiques d’activation et que l’introduction de ces approches du travail social, autour des notions d’empowerment, de développement du pouvoir d’agir et de « capabilities » est plus récent ».

Qu’est-ce que le pouvoir d’agir ?

C’est la possibilité concrète pour des personnes ou des collectivités d’exercer un plus grand contrôle (c’est–à–dire la capacité à influencer ou réguler les éléments significatifs de notre vie quotidienne) sur ce qui est important pour elles, leurs proches ou la collectivité à laquelle ils s’identifient.

Du point de vue de l’approche du développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités (DPA), les problèmes sociaux sont d’abord de nature structurelle et ce n’est que dans la manière dont les personnes composent avec ces difficultés que les différences individuelles jouent un rôle significatif.

Il y a un lien direct entre la manière dont nous choisissons de répartir les ressources dont nous disposons (richesses naturelles, niveau de développement, etc.) et les difficultés que rencontrent les personnes les moins privilégiées. De ce fait, l’injonction qui consiste à demander à ces personnes de « s’adapter » à leur situation revient, ni plus ni moins, qu’à valider le mode actuel de partage de la richesse collective.
Autrement dit, tout l’effort de changement est considéré comme étant de la responsabilité des personnes accompagnées (Soutenir sans prescrire, Yann Le Bossé, Editions ARDIS www.ardiscanada.ca, Québec 2016).

Christine MAHY, Secrétaire générale du Réseau wallon de Lutte contre la Pauvreté, qualifiait les personnes s’adressant aux CPAS de « passagers » : soutenir le DPA consiste à faciliter le passage à l’action à propos de ce qui est important pour la personne, ses proches et la collectivité à laquelle elle s’identifie.

Dans l’approche DPA, l’intervenant plutôt que sauveur, policier ou militant, endosse la position d’un «passeur » dont l’objectif est simplement de contribuer à faciliter le franchissement d’un passage délicat pour les personnes accompagnées.

La Fédération des CPAS de l’Union des Villes et Communes de Wallonie soutient l’approche du Développement du Pouvoir d’Agir des Personnes et des Collectivités et Bernard Taymans encourage l'assemblée à participer aux formations qu’elle propose.

La loi du 21 juillet 2016 prévoit la possibilité d’un service communautaire, outre la multitude d’effets pervers possibles cette faculté laisse entrevoir, comme le suggère Edouard Delruelle, la fin de la société salariale.
En effet cette « idée » ouvre la voie vers un travail sans emploi et d’autres revenus que celui que procure un salaire. Mais cela ouvre un autre débat …