L'Abri Sandron d' Huccorgne

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UN PREMIER CONTACT

Dans le vallon appelé Fond du Roua, à Huccorgne, sur la rive droite du ruisseau Le Roua, à 340 mètres de son confluent avec la rivière La Mehaigne et aux 3/4 de la hauteur de la colline, s’est formée une spacieuse terrasse abritée par la roche qui la surplombe.

Ce fut là que le lundi 24 octobre 1881 vinrent s'installer, après s’être frayé un chemin à travers les taillis et les ronces, les deux beaux-frères spécialisés en archéologie qu'étaient le comte Guillaume de Looz et le baron Alfred De Loë, accompagnés du docteur Ferdinand Tihon de Hemricourt et de deux hommes d’équipe qui portaient les outils.

Devant eux s’ouvrait une cavité, un véritable abri-sous-roche, baptisée par les Huccorgnois le Trou Sandron, du nom d’un ancien du village qui était venu s’y abriter au milieu du siècle pour fuir les mauvais traitements infligés par ses enfants.

Ils commencèrent par s’enquérir de la nature géologique du sol à l’entrée de la caverne, en ouvrant une petite tranchée et enlevèrent une couche de terreau de 27 centimètres d’épaisseur, entremêlée de fragments de branches et de bois à demi pourris, quelques ossements de volailles, d’oiseaux et de renards d’origine récente ainsi que quelques coquilles d’escargots. Sous cette couche, ils prélevèrent encore 4 à 5 centimètres de terre noirâtre et « tombèrent » directement sur une puissante argile rougeâtre, très compacte et luisante. Ils l’approfondirent afin de chercher la roche, mais sans succès.

L’idée leur vint alors de creuser plus à l’intérieur du « trou », à 3, 50 mètres de la première tranchée, et cette nouvelle excavation leur fournit, dès les premiers coups de pioche, un véritable trésor: un couteau en silex taillé à trois pans, une canine d’hyène et beaucoup de fragments d’os et d’autres dents d'animaux.

Voici la liste étonnante des espèces qu’ils parvinrent à identifier :

Le blaireau, le loup, l’hyène des cavernes, l’ours des cavernes, le wapiti, le cheval, l’urus, le rhino à narines cloisonnées et le mammouth.

Mais ce qui leur mit la puce à l’oreille, ce fut l’observation qu’ils firent des os les plus allongés : ils étaient brisés en long. Cela avait été fait intentionnellement, dans le but d’en extraire la moëlle et, comme aucun animal ne serait capable de fendre un os de cette façon, ils durent se mettre à l’évidence et reconnaître là la main de l’homme armée d’un silex !

                                                     L’abri avait aussi servi d’habitation à des humains, des troglodytes !

Ces fouilles superficielles leur avaient pris deux longues journées, et le mardi en fin d’après-midi, sans pouvoir chercher plus loin, ils durent plier bagages pour aller reprendre le train à la gare d’Huccorgne.

Ils reviendraient un jour de beau temps, mieux équipés ou , alors, d’autres explorateurs viendraient le faire avant eux….

UN DEUXIEMME CONTACT

Et, effectivement, ce fut d'abord le docteur Tihon qui revint fouiller 6 ans plus tard et il s'adjoignit bientôt la compagnie de l'éminent professeur liégeois Julien Fraipont. Leurs explorations nous donnent des précisions sur la terrasse et la cavité, qui font respectivement 15mX10m et 6mX15m. Leurs premières découvertes dans la sous-couche de terre, furent des molaires et des os brisés de rhinocéros, chevaux, boeufs, mammouths, ours et hyènes. Mais aussi des beaux silex taillés, un vase biconique à fond plat en pâte grossière, deux perçoirs en os, un lissoir ...

                                                                                      ET DES CRÂNES HUMAINS ! 


Ils en trouvèrent 6 dans une excavation à droite de l'entrée de l'abri, avec quelques ossements humains. En avant de cet endroit, ils recueillirent 2 autres crânes, avec quelques vertèbres et côtes. Et en arrière, le long de la même paroi, dans d'autres cavités, un total de 9 crânes sans leurs mâchoires inférieures, qui furent, elles, découvertes dans une excavation à gauche. Au fond de l'abri, à 50 cm de profondeur, gisaient, enfouis dans de la terre gris jaunâtre des os longs, des vertèbres, des côtes, un sacrum, des métacarpiens, des radius, de cubitus, des tibias, des humérus, un sacrum, des clavicules, etc.

L'inventaire complet de cette période de fouilles montra 15 crânes dont 4 entiers avec face, se rapportant à 13 adultes (10 hommes et 3 femmes) , 1 adolescent et 1 jeune homme. Monsieur G. de Mortillet, qui a visité le Trou Sandron en 1890 avec la même équipe, tenta d' expliquer que le désordre apparent dans lequel se trouvaient les différentes parties des squelettes pouvait provenir du fait que, lors de chaque nouvelle inhumation, on respectait les crânes des défunts précédents et, pour faire de la place aux nouveaux, on rejetait plus loin les ossements gênants. Mais il pourrait aussi s'agir d'un ossuaire, où l'on dégarnissait les os de leurs chairs avant de les inhumer définitivement, les crânes et les os étaient placés dans des endroits différents, explication plus plausible selon le professeur Fraipont.

La forme des crânes et la composition des urnes funéraires sont typiquement néolithiques. L'abri avait été habité par des hommes de l'époque des mammouths et avait été utilisé comme ossuaire par des néolithiques d'une taille d'environ 1M59-1M60, d'après la longueur des tibias découverts.

UN TROISIEME CONTACT

D'après les ouvrages consultés, Julien Fraipont serait revenu sur les lieux en 1898 et Alfred de Loë en 1910, mais nous n'avons encore trouvé aucun rapport de ces visites. En 1940, après avoir pris connaissance des rapports des fouilles du XIXe siècle, l'archéologue namurois Louis Eloy décida d'aller visiter l'abri Sandron. Il y examina attentivement les quelques faibles lambeaux des couches archéologiques assez dures à entamer qui existaient encore en bordure de la paroi et dans quelques recoins rocheux de la terrasse. Il put encore y trouver quelques débris humains assurément néolithiques, dont deux phalanges, quelques éclats de silex et un mystérieux petit instrument en silex poli. Il s'agissait d'un tout petit objet de forme ovale, de 20,5 mm de long, qui pèse 1,5 g, dont les deux faces sont entièrement polies et légèrement bombées. Son bord plus ou moins arrondi et large de 1,5 mm est également poli...Le silex présente une belle patine de teinte gris-blanc, largement tachetée de bleu...Le profil du bord n'est pas droit, mais il présente une courbe légèrement ondulée qui peut se comparer à une courbe sinusoïdale. Louis Eloy n'a jamais pu trouver, dans aucune documentation, un objet ou outil semblable! Il émet deux hypothèses: la première, la moins vraisemblable, est qu'il pourrait s'agir d'une pendeloque ou pièce de collier inachevée. La seconde, la plus plausible, selon lui, est que cette petite pièce aurait bien pu être assemblée à une matière périssable, qui lui aurait servi d'attache ou de suspension. Objet de parure, pendeloque, amulette? Les paris restent ouverts...


SOURCES

Baron Alfred de Loë: Le Trou Sandron ou l'Abri-sous-Roche de Huccorgne in Annales du Cercle Hutois des Sciences et des Beaux-Arts-tome 5/1883

Julien Fraipont et Ferdinand Tihon: Explorations scientifiques des cavernes de la vallée de la Mehaigne in Mémoires couronnés et autres publiés par l'Aca Royale de Belg. tomes XLVIII-L et LIII-LIV/1896

Louis Eloy: Note sur un objet néolithique de type exceptionnel provenant de l'Abri Sandron à Huccorgne in Bulletin de la Société préhistorique française-tome 56/1959

Michel Toussaint: Aperçu historique des recherches concernant l'homme préhistorique dans le Karst belge aux XIXe et XXe siècles-Conference paper-juin 2007

I.Ernotte: L'analyse paléoanthropologique des restes humains néolithiques provenant des fouilles d'Edouard Dupont-(Trou Al'Wesse, Abri Sandron,....)= Mémoire de Master-ULG/2012