La peste à Huy, nourrir les visiteurs des pestiférés.

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Ben-Ahin, chapelle du XVIIe siècle dédiée à saint Roch, le protecteur de la peste

PREAMBULE

            L'archiviste Pierre BAUWENS a commenté et publié deux documents qui énumèrent les aliments fournis durant la dernière épidémie de peste à Huy, aux frais du Magistrat
            du 19 novembre 1668 au 1er février 1669 par le cuisinier Jean de Modave aux Capucins chargés d'administrer les sacrements aux mourants atteints du terrible mal.

Cette peste de 1668 avait commencé à inquiéter les autorités hutoises à la fin du mois de juin. En octobre, on avait décidé d'isoler des pestiférés sur l'Île et la maladie avait atteint son paroxysme en novembre. Les cortèges funèbres avaient alors été interdits par le Chapitre de la collégiale et la situation était restée grave jusqu'en fin d'année. Mais le fléau ne cessera vraiment de sévir qu'en décembre de l'année suivante, avec une dernière vague de mortalité de juillet à octobre (1669)!

LES CAPUCINS

Famille religieuse de l'ordre des Franciscains, les Capucins étaient parus en Belgique en 1587, avec 18 maisons en Principauté de Liège. Grâce au don d'un chanoine-chantre de la collégiale liégeoise Saint-Martin, ils s'établirent à Huy en 1607, le long de la rue des Cygnes, approximativement à l'emplacement actuel de la prison.

Les frères de ce couvent furent toujours bien vus des Magistrats de Huy. Ce furent eux que l'on désigna, comme nous le disions ci-dessus, pour administrer les sacrements aux malades agonisants. En 1668, la Ville fit réaménager à ses frais la maison destinée à isoler les religieux préposés à cette dangereuse mission.


LES FOURNISSEURS et LES COMPTES

Plusieurs fournisseurs furent chargés de délivrer aux Capucins les aliments simples et les plats cuisinés. Un seul nom figure sur les deux documents examinés par notre archiviste: un cuisinier de Villers-sur-Lesse (actuellement Rochefort), qui était venu épouser à l'église St-Mengold en 1650 la fille du cuisinier de l' Hôtellerie du Saulx, au Marché-aux-Bêtes.

Il s'agissait de Maître Jean de MODAVE qui, au décès de son beau-père en 1654, avait repris le poste de cuisinier et propriétaire . Les deux "estats" de dépenses à charge de la Ville, le premier du 19 novembre 1668 au 10 janvier 1669 et le second du 11 janvier au 1er février 1669, fournirent la liste de distribution et délivremen faicts aux reverends pere capucins destinez pour aller visiter les pestiférés. Ils énuméraient les victuailles achetées et livrées chaque jour. L'indispensable pain et les boissons traditionnelles provenaient d'autres fournisseurs.

       On notera que 20,4 % du total des deux états de dépenses furent accordés à Jean de MODAVE et à son épouse Catherine DOTREPPE pour leurs paines et feu. Ce sera leur salaire.


LES ALIMENTS SIMPLES

Saucisses-jambons-morceaux de porc-pièces de boeuf frais-gigots et épaules de mouton-chapons-poules-poulets-cabillauds-truites-saumons de rivière-carpes-perches-hotus ou hotique-harengs-bécasses-grives-alouettes-lapins sauvages (garenne)-citrons-oeufs-prunes séchées et, plus rarement, morceaux de veau et beurre frais.

Remarque: dans l'ordre de prix, du moins cher au plus cher: le veau !,ensuite le poulet puis le mouton puis le porc et, le plus rare, le boeuf.

LES PLATS PREPARES

-Soupes (potages) avec viande ( boeuf, mouton,veau, petits oiseaux, chaire de veau et autre chaire hachée), ou sans viande (avec beurre, céleri, surelle ou suralle (oseille) et jaunes d'oeufs).

-Viandes rôties: morceau de veau + citron, morceau de veau et 6 alouettes, morceau de veau et 1 citron, morceau de porc, un poulet et une grive, un lapin sauvage, du beurre et 2 grives.

-Hochepots, servis fréquemment : avec viande bétail + moutarde, avec viande de veau + citron ou racines de chicorées ou céleri, avec viande de boeuf + veau + porc quelques fois avec venaison (cerf, daim, sanglier,...).

Remarque: jamais de poisson grillé.

LES ALIMENTS ACCOMMODES

Ce terme désignait une cuisson accompagnée d'oignons frits au beurre, assaisonnement d'un limon salé coupé en tranches, d'une noix de muscade, de gingembre, de marjolaine et de menthe hachée. Le tout était additionné de vin ou de verjus, de beurre puis étuvé avec un peu de bière.

-Carpes, saumons, poule et chapon (avec céleri).

-Veau et foie de veau (avec raisins de corinthe)

-Prunes avec, en plus, du vin, du sucre et de la cannelle.

Remarque: les plus représentés étant les poissons de rivière et la volaille, puis le veau.


LES ALIMENTS CUITS A L'ETUVEE

Etuver signifiant faire cuire un aliment à chaleur douce, à couvert, avec très peu de matière grasse et de liquide, ou uniquement l'eau de végétation rendue par cet aliment.

-Veau avec endives et citron

-Mouton avec oseille

-Gros barbeau ou 4 petits barbeaux.

-Poule

VIANDES SALEES OU A SALER

Boeuf, mouton, porc

RAGOÛTS

C'était une préparation à base de viande, de volaille, de gibier, de poisson ou de légumes, coupés en morceaux réguliers, cuits à brun ou à blanc dans un liquide lié, généralement avec une garniture aromatique.

-Morceau de veau ou veau haché, avec citron

-Boulettes de viandes diverses

-Poulet

POISSON ACOMPAGNES DE SAUCE

-Truites, carpes et barbeaux


LES TOURTES

-Grandes ou petites tourtes au veau à la crème, aux épinards, au flan aux herbes, aux fèves, aux navets, aux champignons, au fromage, à l'orge mondé mais aussi au riz, aux poires de coing, aux pommes.


LES VIANDES FARCIES

-Demi cochon de lait

-Demi poitrine de veau

Remarque: la nature des farces n'est pas indiquée

LES POISSONS CUITS AU BLEU

C'est-à-dire plongé frais ou parfois vivant dans un court-bouillon vinaigré, salé et aromatisé.

LES HACHIS ET SAUCISSES

-Viande hachée et assaisonnée

-Hachis dans un boyau de porc ou de mouton

LES PATéS

Farce enfermée dans une croûte de de pâte et cuite dans une forme ou terrine de farce cuite chemisée de barde de lard.

LES POISSONS FRICASSES

-Goujons

LES RARES DESSERTS

-Tarte aux pommes

-Biscuits faits avec des oeufs, de la farine et du sucre.

Remarque: pâtisseries coûteuses et servies aux occasions (Jour de l'An,...)


LES RARES BOISSONS PRESERVATRICES

De l'eau bénite, des gobines (sorte de boisson à l'époque) et des chaudeaux ( le chaldel est une boisson faite de lait chaud bouilli avec du sucre, des jaunes d'oeufs et de la cannelle).

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SOURCE PRINCIPALE

Pierre BOUWENS, archiviste: PESTE ET NOURRITURE. Aliments pour les Capucins de Huy, "visitateurs" des pestiférés (19 novembre 1668-1er février 1869) in Annales du Cercle Hutois des Sciences et des Beaux-Arts, volume 55/2001.

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