Rue L'Apleit (Huy)
Histoire
Appelée, comme on dit erronément de nos jours, est une altération d'Apleit, Aplet ou encore Aplé, qui signifie marché aux poissons, et aussi, rivage, port.
Ce mot a servi longtemps, non seulement à désigner la rue ainsi dénommée actuellement, mais tout le quartier s'étendant entre l'ancien pont St-Nicolas (au confluent de la Meuse et du Hoyoux) et l'hôtel de l' Aigle Noir. On disait tout l'Apleit et encore Grand Apleit des poissons.
Le chroniqueur Jean d'Outremeuse en parle : « En 1188, l'enceinte de la ville fut réparée et agrandie de St-Nicolay jusqu'à 'Apleit sur Meuse. »
Divers textes portent aussi : l' Apleit des nefs (bateaux). Nous verrons, au mot Gonhirue, que ce vocable s'appliqua à une partie de l'Apleit; cette dernière appellation a prévalu, avec raison, puisqu'elle est la plus ancienne, mais on devrait l'écrire dans sa forme primitive : Apleit ou Aplé.
Disons, à ce propos, qu'il faut éviter autant que possible, de changer la dénomination des rues. Outre l'intérêt historique qui s'attache à la plupart de leurs noms, le respect de ceux-ci peut avoir une grande importance, à d'autres points de vue, par exemple en cas de contestation au sujet de propriétés; en effet, comment retrouver, dans les actes anciens réglant les limites de biens, des indications suffisantes, si les noms qu'ils contiennent ne s'appliquent plus à l'artère limitrophe? M. Gobert, dans son ouvrage déjà cité, dit que tel travail archéologique sur un vieux quartier de Liége a seul fourni la solution de procès importants.
« Supprimer les vieux noms, ajoute il, ce serait affaiblir les souvenirs de l'histoire de nos ancêtres, ébranler parfois le droit de propriété, et le moindre inconvénient de cette suppression serait de nous rendre à peu près étrangers dans notre ville natale.»
Ne modifions donc pas, sans raisons majeures, l'état-civil des rues; conservons-le, au contraire, avec le respect dû aux choses du passé, l'instabilité des expressions servant à les désigner pouvant avoir des conséquences regrettables.
Comme nous aurons l'occasion de le dire à propos de la Grand'Place, c'est à !'Apleit que s'établit d'abord la Société Littéraire, fondée le 6 avril 1780, sous le nom de Société Patriotique; elle y loua, pour 80 florins par an, une maison appartenant à Mlle Catherine d'Ancion; son installation dans le local de la Grand'Place date de 1788.
« Il y a quelque cinquante ans, le quartier de l'Apleit pré. sentait l'état le plus misérable qu'on puisse imaginer : ~ contenait vingt à trente masures qu'habitaient chacune quinze a vingt individus, livrés a la plus grande misère et à tous les vices qu'elle engendre; inondés à la moindre crue de la Meuse, ils étaient obligés de se réfugier en foule dans des greniers, pour occuper ensuite un rez-de-chaussée humide et malsain. Les rhumatismes, le scorbut, les fièvres intermittentes les hydropisies, la pneumonie chronique décimaient chaque année les malheureux habitants de ce cloaque infect. »
L'exhaussement du pavé et surtout la création du Quai Dautrebande a remédié en partie aux fâcheuses conséquences résultant du voisinage de la Meuse. Dans la rue l' Apleit se trouve un immeuble communal acquis le 23 août 1860, pour 40.000 francs, à la famille Chainaye-Jamotte. Il a servi à l'Ecole moyenne communale de filles transformée en 1880 en Ecole moyenne de l'Etat, puis à l'Ecole pratique d'agriculture actuellement installée à SaintVictor; à présent, il abrite l'Ecole de dessin académique, existant depuis le 1e octobre 1900, la classe ménagère ouverte en janvier 1900 et divers autres services.
Ce bâtiment, qui ne présente, extérieurement, rien de particulier, possède, intérieurement, une ornementation Louis XVI assez remarquable et donne une idée de ce qu'était l'habitation d'un bourgeois aisé au XVIIIe siècle. Un jeu de paume exista à l' Apleit au XVIe siècle. Il en est parlé dans divers actes, notamment en 1544 et en 1559. Il appartenait en 1556, à Collar de Somezée.
Comme dans toutes les rues, plusieurs enseignes attiraient les regards les regards : Le Soleil (coin des Coucous) - Le Chapeau de fer (au pied du pont St-Nicolas) - Le Coq d'Inde - La Treille de Fer - Le Mariane ou Noire Tête - Le Fer de Cheval - Le Rouge Lion - Les Trois Barbillons - Le Petit Cygne - Le Barbeau- Le Rossignol - La maison de Floion est aussi souvent citée; elle appartenait au seigneur de Berlaimont dit de Floion. On remarquait également en Gonhirue, l'hôtel de Fallais. Il y existait en 1490.
Il y a environ six lustres, on voyait encore, vis-à-vis de l'escalier descendant du Quai Dautrebande à l'Apleit, une maison en ruine, type des habitations anciennes de ce quartier : on la dénommait la maison Bobo; ses murs étaient en pans de bois; c'est dans cette pittoresque masure, remplacée maintenant par l'immeuble de M. Delgoffe-Jadot que se réunissait, assurait-on la mystérieuse rédaction du journal satiricothéâtral l'Entr'acte, de joyeuse mémoire.[1]
Photos
Références
- ↑ Les rues de Huy par René Dubois, Ed.1910