Chaussée de Liège
De la rue St-Pierre à la route de Huy à Liège.
Historique
Par René Dubois
Il y a un siècle, tout l'espace compris entre le boulevard du Nord actuel et la limite de la ville vers Liége ne comptait que quelques rares habitations : les Cotillages s'étendaient, uniformes, de la montagne à la Meuse, couverts de houblonnières, de vignes et de cultures variées. Le plan dressé en 1766 par Arnold Dumoulin renseigne la future chaussée de Liége comme « une ruelle tendante vers les Grands Malades ». Cette ruelle est cependant appelée "réal chemin" dans un acte notarié du 8 juin 1643, mais en somme, elle était fort étroite et fort défectueuse, comme la plupart des routes de ce temps. On a peine à se figurer l'état déplorable dans lequel les routes se trouvaient encore au XVIIIe siècle.
Pour aller de Liége à Huy, on suivait quelques lambeaux de chemins en longeant la Meuse, puis des sentiers de traverses boueux, remplis de fondrières souvent impraticables; entre Flône et Engis, ils étaient tellement dangereux qu'on leur donna le nom de Mallieue, car ils formaient un véritable coupe-gorge. Les Etats-Députés, qui s'efforçaient de remédier à cette situation, rencontraient une vive opposition de la part des communes et des particuliers. Quand, en 1772, leurs agents chargés de l'estimation des terrains que devait occuper la route projetée arrivèrent à Flône, quelques religieux du couvent se mirent à la tête d'une troupe de paysans qui les accueillit à coups de pierre! Ce n'est guère que sous l'administration française que la chaussée de Liége devint une route convenable.
Dans le troisième quart du XVIlie siècle, elle faillit acquérir une grande importance : la nécessité d'avoir une communication facile entre Liége et la France ayant fait étudier le tracé d'une levée ou route de cette ville à Givet, deux projets virent le jour : l'un, consistant à améliorer la chaussée de Liége jusqu'à Huy et à la prolonger ensuite, par la vallée du Hoyoux, vers Dinant, l'autre préconisant la création de la route qui traverse le Condroz en partant du Val-St-Lambert. Ce fut ce dernier qui fut réalisé, malgré les instances du Conseil de Huy qui fit valoir les nombreuses considérations militant en faveur du premier. « Est-il, porte un mémoire du temps, une ville du païs qui par son antiquité, son ancien lustre, ses prérogatives, surtout par les pertes et désastres qu'elle a essuiés pendant les guerres de 1672 jusqu'en 1718, pertes évaluées à 9.218.098 francs, est-il une ville qui par tous ces titres ait plus de droits acquis sur la bienveillance de l'Etat et plus de raisons pour chercher dans la conjoncture d'une chaussée un dédommagement à ses pertes, un soutien à sa caducité, une ressource à sa détresse? Par quelle étrange vicissitude faut-il que cette ville qui, chaque année, éprouve une nouvelle dégradation, s'achemine rapidement vers l'anéantissement et que quelques hameaux de la Condroz s'agrandissent sur ses ruines? » Nous reproduisons ces lignes pour montrer combien Huy était déchue, par les guerres, de son ancienne prospérité. Malheureusement, les arguments moraux et économiques invoqués par le Magistrat ne prévalurent pas contre la crainte de voir notre ville « fleurir au préjudice de la capitale » ; on redoutait, à Liége, la concurrence commerciale pouvant naître à Huy de la création de cette route, et un traité fait le 24 mai 1772 entre le roi de France et le Prince-Evêque stipula la construction de la levée du Condroz. La chaussée de Liége prend naissance à l'emplacement de l'ancienne porte' de Restia, qui s'élevait devant la propriété de Mme veuve Preud'homme-Preud'homme, anciennement couvent des Récollets. La chaussée de Liége se termine, sur le territoire de Huy, à quelques mètres de l'ancienne auberge actuellement connue sous la dénomination : Aux chats qui rient.