LE TOMBEAU DE PIERRE L'ERMITE
Sommaire
RAPPEL HISTORIQUE
Pierre l'Hermite, le prédicateur de la première croisade, {dans une partie de la France, de la Belgique et de l'Allemagne) et collaborateur de Godefroid de BOUILLON pendant l'expédition et à Jérusalem, puis. de retour de la guerre sainte, fondateur et premier supérieur du monastère de NEUFMOUSTIER , à HUY, mourut en 1115 à l’âge de 62 ans et fut inhumé non pas dans l’ église mais en pleine terre, sous la gouttière, dans le cimetière de son couvent, comme il l'avait demandé par humilité,
LA DEUXIEME TOMBE
Ce fut 127 ans après , soit en 1242, que les religieux de cette maison lui donnèrent une sépulture plus digne de ses mérites. Ils trouvèrent son corps très bien conservé et le déposèrent solennellement dans un tombeau de marbre qu'ils lui avaient érigé dans la crvpte de leur église (a).
Grâce à Godefroid KURTH, on sait maintenant que celui qui prit l'initiative de ces tardifs honneurs rendus en 1242 à Pierre l' Hermite est Maurice de SCHALTIN né Huy, chanoine du Neufmouslier, historien et archéologue d'un grand mérite connu sous le nom de MAURICE DE NEUFMOUSTIER (c). Il nous donne aussi, d'après le même chanoine, la description de ce tombeau érigé au XIIIe siècle au fondateur du Neufmougtier:
C’était un petit monument en pierre, placé devant l'autel des 12 apôtres dans la crypte de l'église abbatiale. Il contenait un cercueil en bois où furent déposés les restes du fondateur de la maison , et portait sur la dalle supérieure l'image du défunt avec une inscription en latin que nous traduirons par:
“Ci gît, illustre par ses brillants mérites, l'Hermite Pierre qui, par sa foi, fut un vrai “israélite“ (1). Pierre, tu es maintenant enfermé sous cette pierre, quoique tu sois au-dessus des astres et que nous te croyions vivant avec le Christ qui est la Pierre dans le ciel “(2).
Ce monument n’existe plus. MELART(3) écrit en 1641 dans son Histoire de Huy: “La tombe de Pierre l'Hermite s'est rompue et cassée en retirant ses os et en les relevant derechef l'an 1634.
LA CHÂSSE DE 1633
En 1633, par ordre du nonce apostolique Louis CARAFFA, ses ossements furent levés et déposés dans une châsse. Tel est, en résumé, le récit que donne, en 1659, le père AMBROISE de Huy, de Waremme par son nom de famille, originaire de Huy, religieux du couvent des Capucins en cette ville (b).
LA REVOLUTION FRANCAISE
Extrait de la page WIKIPEDIA:
Le général de brigade LECOURBE y avait installé sa résidence dès 1794. Les moines quittèrent définitivement l'abbaye en 1797. Le bien fut mis en vente comme bien national le 6 mai 1798 et acheté par Jean GOSWIN, fabricant d'armes à Liège. L'aile sud-ouest du quadrilatère ainsi que l'église construite au XVIe siècle furent alors détruites. Vers 1816, Goswin céda le bien à madame LECOURBE et en 1834, il était aux mains du baron de CATUS. Charles GODIN, devenu propriétaire le 31 janvier 1854 transforma l'hôtel abbatial en château aménagé par l'architecte Vierset-Godin, actuellement propriété de la ville de Huy.
En 1797, l'abbé de FELLER(4) écrivait ceci dans son “Dictionnaire Historique":
“ Le tombeau (de Pierre l'Hermite} a été comblé dans ces dernières années, lorsqu'on a réparé l'église sans qu'on ait seulement songé à conserver la pierre sépulcrale avec l'épitaphe de cet homme illustre”.
Mais de VILLENFAGNE dit, en 1817 : “Le possesseur actuel de l'abbaye de Neufmoustier (Goswin), a trouvé, en démolissant l'église, la pierre antique sous laquelle le saint fondateur de cette maison avait été enterré ; il la conserve et, avec raison, comme un monument précieux “(5).
LE MONUMENT DU BARON DE CATUS
Le baron de CATUS, qui était possesseur du Neufmoustier à cette époque, y avait fait ériger, en 1834, à la mémoire de Pierre l’Hermite, un monument de forme pyramidale avec ces inscriptions sur les faces: “Pierre l'Hermite, Ière croisade 1099. —Il a terminé sa carrière ici en 1115". Son monument a été transporté à Rome en 1634-1834”.
Chacune de ces mentions historiques était accompagnée de vers incohérents qui ne méritent que l'oubli ; mais celle du prétendu transfert du monument Rome en 1634, si elle nous montre que de Catus a mal lu Mélart, sert du moins à faire constater que le tombeau avait alors entièrement disparu.
La châsse qui, depuis 1633, renfermait les ossements de Pierre l'Hermite, resta au Neufmoustier jusqu'à la Révolution française. Elle fut alors mise en lieu sûr, à Namur, écrit l'avocat JENICOT (7) à la cathédrale de Namur, suppose GORRISEN(8), mais c'est en vain qu'on a tenté de la retrouver depuis lors. Quant à VILLENFAGNE, il affirme savoir d'un témoin oculaire que les révolutionnaires ont détruit la châsse et dispersé les ossements.
LA CRYPTE ET LE MONUMENT DE CHARLES GODIN
GORRISSEN (6) prétend que la crvpte de l'église du Neufmoustier n'était pas comblée de son temps, c’est-à-dire en 1839 ; mais il dit aussi que la pierre sépulcrale a été brisée et a disparu.
Charles GODIN étant devenu acquéreur de l'ancien monastère, prit à cœur de donner un nouveau monument Pierre l'Hermite.
Déjà avant 1853, il avait fait établir une petite crypte en forme de croix (9) à l'endroit où l'on estime que fut la seconde tombe du célèbre prédicateur et, en 1857, dans ce caveau, il fit ériger un cénotaphe en pierre blanche, avec panneaux sculptés et surmonté de l'effigie du vieux moine étendu dans le repos de la mort. Au dessus de la crypte il fit dresser cette grande statue de granit, connue de tous les Hutois, par laquelle le sculpteur Joseph HALLEUX (10) a représenté d'originale façon l'apôtre de la premiere croisade, tenant d'une main la croix et de l'autre montrant l'Orient d'un geste énergique. La statue se dresse sur un magnifique piédestal en granit portant les inscriptions suivantes: “ Dieu le veut! Dieu le veut !—Au fondateur du Neufmoustier— A l'Apôtre des Croisades. — Erigé en la mémoire de Pierre l’Hermite par Charles Godin MDCCCLVII.” Un beau grillage entoure tout le monument.
Ce mausolée subit quelques détériorations par les eaux de la Meuse débordée, mais il tenait encore et aurait pu être réparé. Hélas, il a été complètement démoli, en août 1914, par les soldats Allemands qui occupèrent en premier lieu le château du Neufmoustier. D’autres Germains, qui survinrent ensuite, en 1917, voulurent faire preuve de culture et, pensaient-ils sans doute, jeter un blâme aux Belges si peu soucieux du tombeau de Pierre l’Hermite : ils rangèrent les débris du mausolée contre les parois de la crvpte, sous la direction d'un officier nommé GÜNNER, un avocat de Carlsrühe, et ils photographièrent leur oeuvre !
.Par la suite, la crypte fut encore vandalisée, mais la famille GODIN la restaura en 1925, avant de revendre toute la propriété en 1939-1940. En 1941-1942, on entreprit la démolition de l'ensemble, en épargnant toutefois les vestiges du monument, que l'on reconstruisit un peu plus loin, dans un nouvel espace désigné par l'architecte Fernand de MONTIGNY. Le sarcophage restauré en 1925 fut déposé dans sa nouvelle crypte. Le site est aujourd'hui propriété de la VILLE.
NOTES
(a) voir WikiHuy Pierre l'Ermite-L'obituaire de Neufmoustier
(b) dans son livre intilulé : “a Eburonitm Huensium Sacrarium eorumque diva Sarlcnsis, » imprimé à Anvers et en vente, à Huy, chez Ambroise de Warem, libraire et fabricant de papier, dont le « moulin à papier, » situé sur le Hoyoux, était dénommé de « la Mère-Dieu ». Cet Ambroise de Warem est déjà cité en 1640, voir p. 1 et 129 de ce livre. Un Ambroise de Warem fut élu, le 18 novembre 1599, par le métier des Brasseurs membre des « Onze Hommes ». (Rég. n° 4 des Recès de la ville de Huy).
(c) Voir Kurth, Maurice de Neufmoustier, dans Bull. Acad. Roy. de Belgique, 1892, t, XXIII pp. 668etsuiv. — Balan. Sources, pp. 466 à 475. — Mr Brassinne, La Première Histoire de Huy, L'œuvre de Maurice de Neufmoustier, pp. 28 et 35. — Mr René. Dubois, Rues de Huy, pp. 441 et suiv. et Notice Historique de la Ville de Huy, p. 71 et 73.
(1) « Vrai israélite », cette expression signifie ici homme sincère, comme dans les paroles de Jésus à propos de Nathanaei rapportées par Saint Jean dans son Evangile I, v. 47
(2) « Le Christ qui est la pierre ». Le poète latin fait ici allusion à une expression employée par Saint Paul dans sa lre épître aux Corinthiens, 10, v. 4-5 : « Petra aulem erat Christus », L’Apôtre considère la pierre qui, frappée par Moïse désaltéra le peuple d’Israël dans le désert, comme une figure du Christ, source de la vérité et de la grâce.
(3)MELART Laurent. Histoire de la Ville et du Château de Huy, p. 12 et 13.
(4) Voir Abbé de FELLER, Dictionnaire Historique t. X- art, Pierre l'Ermite.
(5) VILLENFAGNE, Recherches sur l’histoire de la ci-devant principauté de Liège. 1817.
6) GORRISSEN, Histoire de la Ville de Huy, p, 77
(7) JENICOT: Essai sur l’église N.D. de Huy-page 161
(8) GORRISSEN: Histoire de la Ville de Huy-page 77
(9) Cette petite crypte n’est pas l’ancienne de l'église abbatiale. L’ancienne avait sa voûte soutenue par des colonnes, comme l’atteste SAUMERY dans « Les Délices du Pays de Liège », L II, p. 79, tandis que celle qui se voit, depuis 1853, au Neufmoustier n’a pas de colonnes.
(10) Joseph HALLEUX, voir p. 18
LES SOURCES CONSULTEES
DEMARET H. in La Collégiale NOTRE-DAME de HUY/1922- Deuxième partie- APPENDICE pages 45 à 49.
RORIVE, JEAN-Pierre La Vie d'une Abbaye-Le Neufmoustier (ca 1100-1797). De Pierre l'Ermite à la Révolution. ED.Jourdan/2011
WIKIHUY:Pierre l'Ermite